Vogica : liquidation prononcée

Actualités - 09 nov. 2010

Cela fera bien sûr grincer des dents dans le microcosme d’immaculés responsables de réseaux et de magasins, mais le fait est là, depuis longtemps et, sans doute, pour longtemps encore : avec la fin officielle de Vogica, prononcée hier lundi par le tribunal de commerce d’Evry (Essonne) et pour les raisons que nous présentions dès septembre, disparait un emblème de la cuisine équipée en France. Attention : il ne s’agit pas d’embellir post-mortem une enseigne que l’on se plaisait à dénigrer du temps de son activité, de la même manière qu’on s’accommode avec notre mépris ou notre ignorance en accordant des qualités à des hommes devenus remarquables et regrettés par la nouvelle de leur disparition.

 
Il n’empêche : Vogica a marqué de son empreinte forte - à défaut d’être indélébile - son secteur d’activité et la perception de celui-ci par les consommateurs. D’abord, par son histoire débutée en 1976 dans les Vosges, région riche de sa filière bois, de la sylviculture jusqu’aux meubles, et à laquelle la marque enseigne a emprunté une partie de son nom ; ensuite, par sa réputation, bâtie autant sur des méthodes commerciales condamnées par les médias, les tribunaux et la vox populi qui - paradoxe de nos temps modernes de magmatique communication de masse - ont ainsi entretenu sa notoriété, lui assurant de fait une certaine publicité (comment expliquer sinon qu’après tant d’années de mise au ban, des clients se rendaient encore dans les magasins pour y acheter une cuisine ?) ; enfin, et cela répond en bonne partie à la question juste posée, Vogica a marqué son temps par une communication aussi séduisante que révolutionnaire dans le sens que le fabricant aura peut-être été, par son discours marketing, l’acteur qui aura le plus participé à la démocratisation de la cuisine intégrée en France, rendant moins anxiogène la notion même de son achat, voire le rendant sympathique par dérision, ceci au travers d’une géniale et hilarante campagne télévisuelle en 1986. Est ainsi resté dans les mémoires le fameux « Mes vieux, ils ont acheté une cuisine Cagivo », lâché dans le verlan en vogue par un ado punk désœuvré et désabusé, fils d’une famille bourgeoise (pour voir le spot, cliquez sur le lien : http://www.ina.fr/video/PUB3784084137/vogica-cuisine.fr.html).
 
Reste que pour être vraiment pertinent, tout discours doit être en conformité avec les actes et qu’en l’occurrence la motivation de cette démocratisation n’était pas aussi innocente et philanthropique que cela. Les campagnes TV suivantes ont ainsi révélé des méthodes bien plus offensives pour attirer les consommateurs. Dans le spot de 1988, une jeune femme avouant être « fauchée » annonçait ainsi à son amie qu’elle avait tout de même pu acheter une cuisine Vogica grâce au « financement spécial lui permettant de commencer six mois après son installation ». Le spot de 1992 proposait quant à lui « un financement personnalisé et 50 % de réduction sur les meubles ».   
 

On ne pourra s’empêcher de penser que Vogica aura connu le même funeste destin que Spacial Cuisine, autre grand trublion de la cuisine dans les années 1980 et 1990, et qui lui aussi prétendait démocratiser la cuisine. On pourra toujours se sentir soulagé par la disparition de ces deux emblèmes d’un certain exercice du métier de la cuisine que l’on souhaite aboli, sans en être vraiment sûr. On aura tout de même du mal à éliminer l’amertume provoquée par le constat que les fabricants de taille moyenne ne s’en porteront pas mieux pour autant, qu’au-delà de ces symboles, la plupart des 1 047 salariés du groupe devraient se retrouver au chômage en ces temps de crise, et que de nombreux consommateurs vont devoir entreprendre de fastidieuses démarches pour récupérer leur acompte. Avec pour solde de tout compte un mauvais souvenir de leur achat de cuisine…              

Partager cet article

Vogica : liquidation prononcée
Vogica : liquidation prononcée

Liens sur vignettes ci-dessous