Se différencier sans se perdre…

Actualités - 12 juil. 2016

Culture Cuisine : Ébéniste de formation, évoluant dans le secteur de la cuisine équipée depuis 15 ans, quelle est votre vision actuelle de ce marché ?

Benoît Dréan : « Tout d’abord, nous observons peu d’évolution de la part des designers depuis 4 ou 5 ans. Il devient donc plus difficile de se différencier par rapport à nos confrères indépendants, par rapport aux franchises et je dirais même par rapport à Ikea. Rien de plus facile que d'implanter une cuisine blanche brillante avec un îlot central et un bloc d'armoires en apparence. Si vous n'ouvrez pas les tiroirs et ne touchez pas à la marchandise, votre cuisine Ikea semble aussi belle qu'une cuisine Bulthaup. J'exagère, évidemment, mais nous n'en sommes pas loin du point de vue du consommateur. Cela dit, les cuisines se déstructurent de plus en plus et nous voyons aussi arriver le mélange de certains styles, du moins dans les matières (laque brillante et bois flotté, verre laqué et métal vieilli), permettant d'avoir des cuisines avec de la personnalité, leur redonnant ainsi une présence qu'elles n'avaient plus. Personnellement, je trouve que les fabricants allemands avec lesquels j'ai beaucoup travaillé auparavant manquent de créativité. Hormis 2 ou 3 marques qui sortent du lot, ils vendent tous le même produit, à savoir du mélaminé et du stratifié, avec des décors que vous retrouverez partout. Leur force réside en fait dans leurs outils industriels et leur service auprès des clients. Pour ma part, je travaille avec des fabricants italiens qui apportent beaucoup plus d'originalité en termes de matières, de solutions sur mesure et de qualité. La « Deutsche Qualität », je l’accorde pour les voitures, mais pas pour les cuisines !  D’ailleurs, je constate que lorsque les Italiens sortent quelque chose d'intéressant industriellement, nous le retrouvons un an ou deux après chez les Allemands. Prenez le cas des niches de couleur que l'on trouve un peu partout depuis 2 ans. Cela existe depuis plus de 5 ans chez nos amis Italiens ! Et les Français dans tout ça ? A part les gros industriels  comme Mobalpa et Schmidt, il ne nous reste plus grand-chose et c'est vraiment dommage car le « made in France » est très tendance de nos jours. Or, il n’y a aucun fabricant français qui propose des produits originaux et différenciant ; le seul qui sorte du lot actuellement étant pour moi La Cuisine Française.

 

Culture Cuisine : Vous avez récemment décidé d'élargir votre offre, comme de plus en plus de cuisinistes, en proposant du rangement, du dressing, mais aussi des meubles de séjour. Est-ce pour vous un développement naturel et un choix personnel, ou une réponse économique inéluctable à l'évolution du marché ?

Benoît Dréan : Nous avons étoffé notre offre, avec du dressing et du meuble de salon notamment, car il est intéressant de pouvoir élargir notre savoir-faire. Outre le fait que les clients aiment être pris en main et ne rien à avoir à gérer, les pièces de vie ont réellement changé : il n'y a plus de buffet ou de vaisselier dans le salon, mais nous retrouvons des meubles living tels qu’ils ont pu exister dans les années 70 avec, évidemment, un nouveau look. De ce fait, la majorité des fabricants de cuisines développent leur propre gamme de meubles, afin de s'étendre dans le séjour. De notre côté, la décision d’élargir notre offre a permis d'augmenter notre panier moyen, mais cela n'a pas eu d’influence sur notre fréquentation car les clients se dirigent encore vers leur magasin de meubles pour acheter ce genre de produit. Nous vendons donc principalement nos agencements de séjour et de dressing aux clients qui nous consultent au départ pour une cuisine. Je pense aussi qu'il est essentiel de rester à notre place : sommes-nous cuisiniste ou magasin de meubles ? Il est important que le consommateur ne se perde pas dans l'offre qui est déjà pléthorique. »

 

Propos recueillis par Vanessa Barbier 

 

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