Le sociétal et le kitsch

Actualités - 19 mai 2010

Cuisine Plus a représenté pendant un quart de siècle l’un des exemples les plus aboutis de la pub cuisine trash. Charte graphique violente maculée de rouge et de jaune, remises tonitruantes ne montant jamais au-dessus d’un - 50% et promotion hurlant que l’électroménager est offert (pour un franc devenu euro supplémentaire), personnages de Français moyens exprimant une joie irrépressible devant l’exceptionnel avantage d’une offre si délirante (« qui jamais plus, non vraiment jamais plus, ne reviendrait ! »). Des pubs d’un psychédélisme de mauvais goût qui maculaient les pages des magazines « cheap » de programmes télé - ceux qui sentent la mauvaise encre et qui collent aux doigts - et qui pouvaient laisser croire aux banlieusards coincés sur une pénétrante périurbaine qu’ils avaient avalé une mauvaise dose d’acide lysergique dans leur Ricoré (peut-être pour oublier le chaos et la grisaille du lieu). Et puis pouf ! C’est fini. Cuisine Plus s’est normalisé. Désormais, l’enseigne quimpéroise propose de la cuisine déco, comme on pouvait le voir dans sa campagne télé. Pour aller plus loin encore, elle s’est convertie à la « green attitude » avec sa campagne d’avril. Bon rien de bien bouleversant : tout le monde a délivré durant les derniers mois son message éco-responsable dans l’électroménager (Whirlpool), la grande distribution (Ikea) ou sur le salon le plus « hype » (branchouille en french language) de la planète (Eurocucina)… dont l’ironie du sort a voulu que le ciel de sa dernière édition soit purgé de la pollution des réacteurs d’avions en raison d’une très naturelle explosion volcanique dans le pays le plus énergétiquement bio du monde.     

 
Évidemment, les esprits chagrins ne manqueront pas de noter que Cuisine Plus n’a pas encore atteint le stade ultime de la conversion puisque dans sa campagne « cuisine + écolo », l’électroménager reste offert. C’est d’autant plus étrange que, dans son argumentaire, les équipements mis en évidence sont les appareils, du frigo A++ à la table à induction. Dommage que restent trop discrètes les informations qui nous expliquent que les fournisseurs de mobilier s’approvisionnent en panneaux provenant de forêts gérées durablement, recyclent leurs déchets et leurs emballages, usent de l’eau comme solvant et encore de produits de nettoyage à base de distillat d’agrumes, etc. Mais, malgré ces quelques critiques, reste une bonne nouvelle : la distribution de la cuisine paraît s’affranchir de son péché originel : la vente trash (en tout cas dans sa communication).
 
C’est dans ce contexte d’une évolution vers plus de tempérance, d’élégance et de sensibilité aux questions sociétales qu’est tombée la campagne de Teissa avec Mme de Fontenay. Elle est bien sûr à total contretemps. Désormais privée de Miss depuis ses mésaventures avec la société Endemol, la dame - qui évoque plutôt une Madame tout droit sortie d’une nouvelle de Maupassant - semble symboliser l’état d’esprit très vieillot d’une certaine cuisine à la française. Il est vraiment dommage d’utiliser un tel territoire alors qu’il est urgent que l’ensemble des fabricants français s’affirment mieux face à des Italiens qui bénéficient d’un a priori de bon design et des Allemands qui profitent d’un présupposé de bon rapport qualité-prix. Au final, la pub Teissa est une sorte d’ovni conceptuel qui séduira peut-être quelques « drag queens » à la recherche d’un sommet du kitsch. Mais s’agit-il bien des acheteurs potentiels de cette marque ?  

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