Le patriotisme économique à l'épreuve

Actualités - 27 nov. 2015

Le patriotisme économique à l’épreuve

Les terribles attentats de Paris ne devraient pas avoir de conséquences sur le retour engagé de la croissance économique. « Devraient », dans le sens d’un pronostic rassurant, comme dans celui d’une réaction nécessaire des consommateurs citoyens.

 

Alors qu’en ce matin de vendredi 27 novembre, l’heure est au recueillement dans la cour d’honneur des Invalides, comme dans toute la France et bien au-delà, en hommage et mémoire des victimes des atroces attentats survenus à Paris et à Saint-Denis il y a 15 jours, la question de leurs conséquences sur l’économie française vient s’ajouter au débat sécuritaire. Ajout légitime et nécessaire, si l’on rappelle que la croissance économique est une chose aussi fragile que la sereine et insouciante qualité de vie en démocratie à laquelle elle participe d’ailleurs activement. Certains sociologues ont ainsi souligné, non sans raison, la chaîne de conséquences, entre faiblesse économique, chômage, désœuvrement et comportements radicaux. Ce lien s’établit jusqu’à un certain degré et ne peut en aucun cas servir d’excuse à l’impardonnable.

 

La croissance économique est, on l’a dit, fragile, comme l’est son retour enfin engagé timidement mais sûrement depuis le début de l’année. Croire que sa confirmation annihilera le terrorisme est au mieux un rêve naïf, au pire une dangereuse imprudence libérale. En revanche, on peut craindre que l’arrêt de cette croissance renforcerait le climat délétère, sinon incertain, généré par les attentats, donnant par là-même une satisfaction supplémentaire à leurs auteurs et commanditaires. Interrogé hier matin sur RMC, Michel Sapin a répondu avec juste réserve qu’il ne savait pas si les attaques terroristes allaient avoir un impact sur la croissance économique française. Pour étayer cette ignorance raisonnable, le ministre des Finances a rappelé que, alors qu’après l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier dernier, on craignait une nouvelle dégradation de nos indices alors mal en point, le premier trimestre a enregistré les meilleurs résultats de l’année, amorçant le retour de la croissance tant attendu. Et M. Sapin d’appeler les Français à poursuivre cet élan en continuant de consommer comme avant, voire davantage, afin de - si l’on file la métaphore de son injonction - faire pousser dans le champ économique les graines semées par le réveil patriotique et citoyen. Résister à la menace sur nos modes de vie passe ainsi autant par des sorties vespérales dans les lieux de convivialité que par des achats de biens d’équipements de la personne ou du foyer. Les fêtes de fin d’année qui approchent à grands pas seront le moment propice pour se faire plaisir, faire plaisir aux autres et donner vigueur à un moral abîmé mais non anéanti. L’incertitude du ministre des Finances repose aussi sur le fait que la croissance dépend de facteurs exogènes à la barbarie perpétuée et que ceux-ci restent encore positifs (baisse du pétrole, de l’euro, reprise des investissements).

 

La conjoncture de la filière de la cuisine équipée échappe aussi aux conséquences immédiates de l’émotion et de l’angoisse provoquées par les attentats du 13 novembre. Ces sentiments légitimes ont pu conduire une partie des Franciliens directement touchés, et des Français d’autres régions, à moins se rendre sur les terrasses des cafés, dans les restaurants ou dans les concerts et autres rassemblement populaires. Certains ont peut-être moins consommé de denrées du quotidien, encore qu’aucune étude, faute de recul suffisant, n’ait validé cette thèse. On se doit de rappeler ici qu’en période de trouble grave, de guerre en particulier (et cette situation a été annoncée par le président de la République), les Français ont, dans un réflexe irraisonné, voire de panique, tendance inverse à vider les rayons des commerces pour stocker des aliments de première nécessité (cela s’était produit début 1991 au déclenchement de la première guerre du Golfe).

 

Quoi qu’il en soit, ces mouvements brutaux à la hausse ou la baisse ont un impact sur la consommation du quotidien. La cuisine équipée n’en fait pas partie, répondant à des processus d’achat plus longs que des réflexes subits, car se déroulant sur plusieurs semaines, sinon mois. Ces délais de réflexion, de choix puis de décision se sont d’ailleurs allongés au cours des dernières années, sans rapport de cause à effet avec une attaque terroriste. Au pire, les particuliers désireux d’acheter une cuisine auront repoussé leur achat au cours des deux semaines écoulées et le feront encore pendant les deux semaines à venir (cela restant là aussi à prouver), la période précédant les fêtes de fin d’année étant de toute façon davantage propice aux achats susceptibles d’être placés au pied du sapin (ce qui demeure difficile, même pour une petite cuisine). De plus, les magasins spécialisés en cuisines ne devraient pas souffrir d’une baisse de chalands, restant trop peu fréquentés pour constituer des lieux anxiogènes pour le grand public. Voilà qui devrait apaiser l’inquiétude des acteurs de la filière cuisine, qu’ils soient revendeurs de marques françaises ou étrangères, en rappelant que le patriotisme économique des Français doit profiter à tous les intervenants sans distinction et que les fabricants allemands puissants sur notre territoire, constituant un nécessaire débouché prometteur, souffriraient aussi d’une dégradation de l’activité commerciale. Nul n’étant  devin, reste à prier pour que de telles horreurs ne se reproduisent plus ; en ayant aussi, bien sûr, en ce matin d’hommage aux Invalides, une pensée de recueillement pour les personnes tuées, d’espoir pour les blessées et de compassion pour leurs proches.  

 

Partager cet article

Le patriotisme économique à l'épreuve
Le patriotisme économique à l'épreuve

Liens sur vignettes ci-dessous