Tout amateur d’art sait que Salvador Dali est l’un des plus grands peintres du XXe siècle. Rares sont en revanche ceux qui savent que la cuisine a marqué son enfance, et, « lieu de délices affolantes », qu’elle était une pièce cruciale de l’habitat pour une raison divergente de celle habituellement définie. Au point de le rappeler dès la première page de son autobiographie.
Génie pour les uns, mégalomanes pour d’autres. Et les deux à la fois pour le principal intéressé. Titrant en effet sans ambages « Suis-je un génie ? » l’incipit de son autobiographie intitulée La vie secrète de Salvador Dali et parue en 1952 – question à laquelle il répond par l’affirmative deux pages plus loin - l’artiste pluridisciplinaire espagnol écrit dès la première ligne de l’ouvrage « À six ans, je voulais être cuisinière (déjà un rapport avec la cuisine). À sept, Napoléon. Depuis, mon ambition n’a cessé de croître, comme ma folie des grandeurs. »
Les présentations ainsi faites, Dali enchaine directement par un souvenir d’enfance, rappelant une nouvelle fois l’imprégnation de la culture dans la cuisine et réciproquement, comme la résume le nom programmatique de notre site d’information :
« Dans son journal, Stendhal rapporte ce mot d’une princesse italienne dégustant une glace, un soir d’été particulièrement chaud : “Quel dommage que ce ne soit pas aussi un péché !” Quand j'avais six ans, manger quelque chose dans la cuisine constituait un grave péché. L'entrée de cette partie de la maison était une des rares choses interdites par mes parents. Des heures durant, je me souviens d'avoir attendu, avalant ma salive, le moment de me faufiler dans ce lieu de délices affolantes. Quand j'y parvenais, parmi les cris amusés des bonnes, c'était pour voler un morceau de viande crue ou un champignon grillé que j'avalais au risque de m'étouffer, saisi par une angoisse et un bonheur indicible que décuplait le sentiment de ma culpabilité.
À part cette interdiction d'entrer dans la cuisine, à peu près tout m'était permis. »
Extrait de La vie secrète de Salvador Dali (L’imaginaire Gallimard)
Visuel ci-dessus : Salvador Dali Le moment sublime (1938)
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