Ikea, Big Brother de l'habitat ?

Actualités - 29 févr. 2012

Georges Orwell avait inventé Big Brother, terrible et intouchable figure métaphorique du régime policier et totalitaire, de la société de la surveillance des citoyens, ainsi que de la réduction des libertés dans son célèbre roman d’anticipation 1984, paru en 1949. Nombreux sont ceux à souligner son caractère prophétique à chaque nouvelle érosion des libertés individuelles et chaque nouveau programme de pose de caméras de rue. L’affaire révélée ce matin par Le Canard enchainé devrait donner de l’eau amère au moulin de ces observateurs vigilants, qui ne manqueront pas de noter qu’il n’y a qu’un pas entre le Big Brother fictif dans l’habitat au Big Brother supposé de l’habitat. 

 

En effet, selon le journal d’investigation français, Ikea, enseigne suédoise de fabrication de meuble, vient de se faire « piquer à espionner et ficher ses salariés », mais aussi ses clients. Les « simples promeneurs » pourraient être aussi concernés, selon l’hebdomadaire. Un accord aurait été conclu fin 2003 entre la filiale française et la société privée Sûreté International pour « passer au peigne fin » les salariés suspects. Détaillé dans un e-mail échangé entre le directeur de la gestion du risque d’un magasin et le responsable de Sûreté International, l’accord stipule qu’Ikea pourra obtenir des informations « sorties du plus grand fichier de police », à savoir le Système de Traitement des Infractions Constatées (STIC), fichier de police du ministère de l'Intérieur qui regroupe les auteurs d'infractions constatés par les services de la police nationale. La firme, qui se décrit elle-même sur son site comme un « cabinet de consultant et de recherche » traitant des « problèmes de sûreté », propose l’accès à ce fichier pour un tarif de 80 euros par consultation.

 

Les demandes d’Ikea pour avoir accès au fichier concernent aussi les clients. Le Canard enchaîné cite notamment l’exemple d’une cliente à Morlaix avec qui le magasin avait un litige commercial sur 4 000 euros. La firme suédoise a demandé alors à Sûreté International de faire une recherche sur l’adresse de la cliente pour savoir « qui est propriétaire des lieux » et si la cliente est « connue des services » de police. D’autres fichiers seraient par ailleurs concernés, et notamment celui des cartes grises, puisque des informations sont réclamées sur « un collaborateur qui roule en Porsche, ou un intrus qui s’introduit dans un futur site Ikea en Golf » rappelle le site huffingtonpost.fr.

 

Pour l’instant aucune plainte n’aurait été déposée, selon le porte-parole du ministère de l’Intérieur, mais deux avocats doivent déposer une plainte ce mercredi au nom de syndiqués du groupe. L’IGPN ou l’IGS devraient alors être saisis pour savoir qui a eu accès aux fichiers. « Par le passé il y a toujours eu des sanctions de ce type de comportement », a précisé le porte-parole du ministère de l’Intérieur. Les sanctions peuvent aller de l’avertissement à la suspension, et les peines encourues peuvent monter à 300 000 euros d'amende et 5 ans d'emprisonnement.  Contacté par le site Rue 89, l'ancien PDG de l'entreprise Sûreté International, l'une des officines incriminées, « dément formellement » les faits.

L'affaire ayant été relayée par de nombreux médias de grande audience, dont le journal de 13 H 00 de France 2 aujourd'hui, on peut s'attendre à une réaction et des précisions de la direction d'Ikea France dans les prochaines heures.       

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