Fagor, trop européen pour réussir ?

Actualités - 25 oct. 2013

L’annonce fin septembre d’une alliance avec le chinois Haier pour construire une usine de réfrigérateurs en Pologne (à lire ici) résonne aujourd’hui comme une opération désespérée de la dernière chance. Comme sont arrivées trop tard la cession en 2011 d’une usine spécialisée dans le lavage à Lyon, celle de Verolanuova, en Italie, l’année suivante et tout récemment celle encore d’un site au Maroc. Croulant sous le poids des pertes répétées chaque année (60 millions pour le seul premier semestre 2013 !) et des dettes accumulées (plus de 800 millions d’euros, le groupe espagnol Fagor n’a pu empêcher d’arriver à un pré-dépôt de bilan. Cette  procédure a été mise en place l’an dernier par le législatif à Madrid pour les entreprises durement touchées par la crise de l’autre côté des Pyrénées, afin de leur donner, par anticipation, un délai supplémentaire pour redresser la situation (précisions à la fin de cet article).                   

 

Les dirigeants auront tout de même réussi à freiner la marche inexorable qui conduisait le groupe vers cette décision funeste, ainsi que le rappelle Adrien Cahuzac de  L’usine nouvelle dans une analyse circonstanciée. « Malgré des rumeurs répétées ces dernières années de dépôt de bilan, Fagor a réussi à tenir quatre ans, à la fois grâce à sa maison mère basque Mondragon qui lui injectait de l’argent à fonds perdu, au marché français qui s’est étonnamment maintenu jusqu’à la fin de l’année 2012 et à sa présence historique en Pologne. Mais pas assez pour soutenir un fabricant trop petit, trop seul, trop circonscrit aux marchés espagnols et français, et qui a été victime de la concurrence asiatique à bas coûts et de son manque d’internationalisation ». De surcroît, « son statut coopératif ne lui a pas permis, non plus, de réaliser des restructurations nécessaires et de faire entrer un partenaire financier à son capital ». De fait, « l’annonce de la mise en cessation de paiement du groupe Fagor Electrodomesticos n’étonne personne dans le secteur du gros électroménager » estime notre  confrère, étayant son propos par le rappel des difficultés déjà anciennes et successives du cinquième fabricant européen. La coopérative espagnole avait ainsi doublé de taille en 2005 en avalant le français Brandt, « lessivé par trois propriétaires successifs en quinze ans » (l’Etat français avec Thomson jusqu’en 1993, les italiens d’Elfi qui le marièrent en vain avec Moulinex en 2001, puis l’israélien Elco jusqu’en 2005), les salariés, les médias et même l’opinion publique retenant surtout le dépôt de bilan retentissant de 2001.

 

Aux errances internes s’ajoutaient les hésitations ou les prudences excessives de la croissance externe : « pendant que Fagor s’occupait à digérer et restructurer Brandt, les concurrents européens comme l’allemand BSH, le suédois Electrolux ou l’italien Indesit, se sont attachés à conquérir les marchés émergents et à y implanter des usines, de l’est européen au Moyen-Orient en passant par l’Asie. Une avance incontestable qui leur a permis de trouver des relais de croissance pour compenser les difficultés du marché européen quand la crise est arrivée ». Une crise qui a frappé l’Espagne avec une violence plus forte qu’ailleurs (l’exception grecque s’expliquant par d’autres raisons), plongeant le marché intérieur dans une chute vertigineuse de 50 % entre 2008 et 2012.

 

La procédure ibérique de pré-dépôt de bilan, déclenchée le 16 octobre, laisse en théorie au fabricant d'électroménager un répit de trois mois et vingt-et-un jours. Mais « l'industriel ne pourra pas se payer le luxe d'attendre aussi longtemps : alors que tous les sites de production sont aujourd'hui à l'arrêt provoquant la mise au chômage partiel des salariés, l'industriel doit abonder à hauteur de 100 % des salaires, ce qu'il ne pourra pas faire très longtemps ». Pour éviter la liquidation, le groupe n’a plus d’autres choix aujourd’hui que d’engager une lourde restructuration. La moitié des 12 usines actuellement pourrait ainsi être fermée, menace qui pèse sur quatre des cinq sites implantés dans l’Hexagone. A commencer, selon L’usine nouvelle, par celui très exposé aux produits low-cost de La-Roche-sur-Yon (Vendée), spécialisé dans les activités de lave-vaisselle et sèche-linge, et où travaillent près de 400 salariés. Ne sont pas mieux lotis ceux d’Aizenay (Vendée), Vendôme (Loir-et-Cher) et Lyon  Gerland où, précise Lyon Mag, « les 200 ouvriers de Fagor Brandt sont au chômage partiel. Selon la CGT, l’usine n'est plus livrée en pièces détachées car les fournisseurs ne sont plus payés et ce alors que les carnets de commande sont pleins. Jusqu'à 600 lave-linge sortent chaque jour de l'usine de Lyon ». Dédié aux appareils de tables de cuisson et fours encastrables, à plus forte valeur ajoutée, le site de Saint-Jean-de-la-Ruelle, près d’Orléans (Loiret), devrait en revanche être épargné. Ce que pronostique aussi dans Lyon Mag un délégué de la CGT pour qui « la cessation de paiement est imminente ». Un Comité central d'entreprise extraordinaire s’est tenu hier 24 octobre au siège de la filiale française à Rueil-Malmaison, près de Paris.

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