Darty se considère comme un acteur à part entière de la cuisine et on ne voit pas pourquoi ce statut ne serait pas légitime, sous le simple prétexte que l’enseigne est leader dans le domaine de l’électroménager. Ikea l’est dans l’ameublement et plus personne ne lui enlève son rang parmi les acteurs de la cuisine équipée : son nom arrive même en tête des marques de cuisine dans les sondages et l’enseigne est, de fait, le plus gros de vendeur de cuisines en volume sur le territoire français (une simple visite le samedi dans le rayon dédié de l’un de ses magasins permet de prendre la mesure de cette popularité entretenue à coup de prix bas plus que d’image).
Certes, issu lui aussi du travail du bois, l’ameublement est plus proche de la cuisine (il l’englobe même dans sa famille de consommation) que l’électroménager dont certains appareils (regroupés dans le « brun » et le multimédia ») sont éloignés de nos plans de travail et éviers. Ce dernier, par sa partie du « blanc » et, au sein de cette dernière, plus encore de l’encastrable, conserve toutefois une connexion directe et permanente avec l’espace cuisine. C’est celle-ci que Darty entend naturellement renforcer, en menant depuis quelques années une stratégie spécifique de développement. Opposés aux sceptiques, certains observateurs enthousiastes ont ainsi vu dans cette croissance externe la concrétisation logique de ces potentialités de synergie, prédisant de surcroît que la validation du fameux « Contrat de confiance » en matière de cuisine (achat plus anxiogène que celui d’un fer à repasser) allait provoquer une petite révolution des forces en place sur le secteur. Il ne fallait pas prêter à Darty plus que l’enseigne elle-même nourrit d’ambitions (mesurées, de fait) et ce bouleversement n’a pas eu lieu (lire aussi notre analyse, en cliquant sur le lien suivant Idée reçue n° 8 ). Les conditions ne sont toujours pas réunies et, déjugeant ses laudateurs comme ses détracteurs, Darty est devenu un acteur classique, proposant dans un nombre encore limité de ses magasins (29, ce qui reste largement supérieur à des réseaux restés embryonnaires, type Premium Cuisines avec 12 points de vente répertoriés sur son site) une offre d’ensembles de cuisines, fournis par le fabricant sans doute actuellement le plus omniprésent sur le marché (l’Allemand Nobilia) et par un autre, positionné plus haut mais tout autant classique (Beckermann).
La semaine dernière, la présentation des nouvelles gammes 2011 au magasin amiral de Darty Rivoli, au cœur de Paris, a confirmé cette inscription conventionnelle, comme tout autre acteur de moyen de gamme, dans les évolutions de la cuisine équipée. Du modèle Nougatine pour petits budgets au plus spacieux Minéralisé, doté de façades en laque mate bleu anthracite grisé néo-traditionnelles et de meubles hauts à corniches et pilastres (cf. visuel ci-dessus), ce nouveau cru répond aux attentes actuelles des consommateurs, sans apporter de surprises ni générer de frustrations, tant en termes d’esthétique et de finitions que de fonctionnalités (avec des équipements intérieurs d’ouvertures et de rangements de même nature que ceux des fabricants dits traditionnels). L’enseigne a donc a réussi son entrée dans le sérail de la distribution spécialisée, ce qui n’était pas un pari gagné d’avance, ni facile à tenir (les rayons de Conforama ou But sont davantage considérés comme une extension de leur offre de généraliste ameublement). Tout n’est pas acquis pour autant et, afin de ne pas tomber dans une normalisation d’image dans laquelle son positionnement populaire risque de la glisser, l’enseigne devra démontrer sa capacité à apporter des signes tangibles de distinction pour ses clients. Ce sera alors l’objet d’un prochain article…
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