Cuisinistes / vendeurs d'automobiles : méthodes comparées

Actualités - 03 oct. 2017

Cuisinistes / vendeurs d’automobiles : méthodes comparées

Depuis ses origines, le marché de la cuisine équipée est souvent mis en parallèle avec celui de l’automobile avec lequel il partage des points structurels. Qu’en est-il des méthodes de ventes ? Réponses à méditer d’un professionnel ayant exercé dans les deux secteurs.

 

Culture Cuisine : Quel est votre parcours professionnel ?

Alexandre Spies : « Je suis originaire de Côte d’Or où le métier des ébénistes et autres artisans du bois est une tradition ancestrale appréciée. J’ai moi-même depuis toujours un goût pour le travail de cette matière noble, sensuelle et chaleureuse, qui permet d’exprimer les aspirations créatives. J’ai exercé ce métier à Dijon, puis quelques temps après m’être installé en Haute-Savoie, j’ai répondu à l’une des nombreuses offres d’emploi de concepteur vendeur de cuisine qui étaient proposées en 2000. J’ai ainsi appris ce métier chez un cuisiniste, puis au sein de l’enseigne Aviva qui venait de naître et dans laquelle j’ai travaillé 7 ans. J’ai ensuite intégré le poste de conseiller commercial chez Renault et, enfin, depuis 2015, chez Audi dans le groupe Jean Lain, plus gros acteur automobile des deux Savoie (avec environ 600 millions d’euros de C.A pour 1250 salariés sur 50 sites, ndlr).

 

Culture Cuisine : Quels sont les points communs et les différences entre les méthodes de vente dans les magasins d’enseignes nationales de cuisines et celles en vigueur dans les concessions de marques d’automobile ?

Alexandre Spies : Elles sont devenues quasiment les mêmes aujourd’hui, visant dans les deux cas à poser de nombreuses questions à chaque client, afin de connaître ses besoins précis pour y répondre de la manière la plus satisfaisante possible. Les enseignes de cuisine dispensent leurs propres formations depuis quelques années seulement, ce qui a conduit à une professionnalisation dont cette filière a bénéficié, après avoir subi une mauvaise image en raison du caractère improvisé, sommaire et parfois “limite”  de méthodes de vente motivées par le seul profit à tout prix. En cela, le secteur de la cuisine équipée s’est inspiré de l’automobile où les vendeurs sont devenus des conseillers commerciaux, voire des technico-commerciaux. Autre point commun : le soin important accordé à l’environnement du produit. Il faut que le parking soit propre pour accueillir les visiteurs, de même que le show-room de voitures ou de cuisines, toutes présentées sous leur aspect le plus séduisant. Tous ces éléments doivent montrer le sérieux de l’entreprise, tout en mettant les prospects le plus à l’aise possible.   

 

Culture Cuisine : Le critère prix est-il aussi important pour l’achat d’une cuisine et d’une voiture ?    

Alexandre Spies : Les gens sont enclins à mettre davantage d’argent dans une voiture que dans une cuisine. La première est un achat plaisir qui fait rêver et pour lequel les consommateurs se rendent naturellement le week-end dans les concessions automobiles, surtout haut de gamme, même s’ils n’ont pas le projet immédiat d’acheter un modèle. Ils viennent ici chez Audi, comme s’ils visitaient des salons de l’auto, manifestations qui comptent toujours de nombreux visiteurs à Paris, Genève, Francfort ou ailleurs. Les gens se rendent au contraire dans les magasins de cuisine pour acheter un bien d’équipement dont ils ont besoin. La cuisine est donc un achat fonctionnel, même si les aspects esthétiques sont importants. Cela ne signifie pas pour autant que le métier de concepteur vendeur soit moins intéressant car, comme son nom l’indique, il suppose de créer un ensemble de cuisine qui doit répondre aux besoins, désirs et budgets de chaque client, tout en s’intégrant de manière optimale dans les contraintes spatiales de la pièce à équiper. Ainsi entre en jeu la créativité du cuisiniste afin que chaque cuisine posée soit unique, alors que la voiture est par définition un produit fini se déclinant en fonction de quelques variables comme la couleur ou le look des jantes.

           

Culture Cuisine : La pression concurrentielle des consommateurs est-elle la même dans les deux secteurs ?

Alexandre Spies : Non, elle est bien plus forte en cuisine parce qu’il y a une confusion dans les esprits des gens, qui ne savent pas faire la différence entre les divers segments de gamme de produits, mais aussi de marques. Ainsi pourront-ils demander à un vendeur de Mobalpa, Schmidt ou Ixina de baisser son prix pour s’aligner sur une cuisine vue chez Ikea, Conforama ou But. Et le vendeur aura toutes les peines du monde à leur faire comprendre les différences intrinsèques des différents matériaux utilisés pour les façades au regard des écarts de prix. Pareil pour la fonctionnalité, dont les dernières innovations ne sont plus réservées aux cuisines haut de gamme et équipent rapidement les cuisines des segments inférieurs, y compris low-cost. Ainsi Aviva a été la première enseigne moyen de gamme à proposer des tiroirs avec amorti en série, alors que c’était une option chère chez les autres enseignes. Pour revenir à votre question, aucun acheteur n’est en revanche venu me voir pour me demander d’adapter le prix d’une Audi A3 à celui d’une Renault Clio ou d’une 308 Peugeot. Ils peuvent en revanche comparer notre modèle avec un BMW série 1 ou une Mercedes Classe B.  

 

Culture Cuisine : Votre expérience de vendeur-concepteur de cuisine vous est-elle utile dans l’exercice de votre métier de conseiller commercial chez Audi ?

Alexandre Spies : Oui, car le métier de vendeur-concepteur de cuisine est la meilleure école de vente qui soit, en obligeant à être à la fois polyvalent en termes de compétences (commerciales, techniques) et très pointilleux sur les diverses normes (sécurité électrique, sanitaire, etc.). Ce constat est pour moi paradoxal, car le secteur de l’automobile est bien plus mature que celui de la cuisine. Les marges de vente y sont bien plus faibles, notamment  parce que les prix sont fixés en fonction de résultats d’études de marché approfondies qui sont régulièrement menées sur divers sujets leur permettant de mieux répondre aux besoins et attentes des consommateurs. Les constructeurs sont attentifs aux influences d’autres secteurs en termes esthétiques ou technologiques et aux évolutions sociologiques pour produire  leurs nouveaux modèles. En revanche, ce sont les fabricants de cuisine eux-mêmes qui créent les tendances qui, de fait, ne correspondent pas forcément aux évolutions des goûts consuméristes. »        

 

Propos recueillis par Jérôme Alberola

 

 

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