D’abord cuisinier, Éric Artz est devenu cuisiniste, gérant à Strasbourg le magasin spécialisé et dynamique du groupe Sermes, présent dans le Bas-Rhin depuis plus de 50 ans et qui emploie 300 salariés dans la production de systèmes électriques. Il livre ici les raisons du contexte concurrentiel tendu sur le marché de la cuisine et il donne ses ambitieuses et cohérentes solutions permettant de résister à la morosité actuelle du climat d’affaires.
Culture Cuisine : Quel a été votre parcours professionnel pour devenir cuisiniste ?
Éric Artz : « Au départ, il y a une quarantaine d’années, j’étais non pas cuisiniste mais cuisinier dans un restaurant, activité que j’ai dû cesser pour une raison d’allergie alimentaire. À cette époque, j’étais déjà intéressé par le bricolage et l’aménagement de l’habitat, construisant même ma propre maison. Lorsque j’ai dû changer d’activité, c’est donc naturellement que j’ai créé ma société d’installation et de pose de cuisine équipée, travaillant pour diverses enseignes, dont Schmidt, fortement implantée en Alsace où je réside. L’un de mes clients, sachant que j’avais aussi par ailleurs une expérience de management dans le secteur de l’automobile, m’a proposé de prendre la direction d’un magasin de cuisines qui fabriquait et revendait ses propres modèles. La société employait alors 25 salariés. Elle a été malheureusement contrainte de fermer quelques temps plus tard. J’ai créé ensuite mon magasin de cuisines, puis j’ai repris il y a dix ans la direction de celui de la société Sermes.
Culture Cuisine : S’agit-il d’une enseigne de cuisine ?
Éric Artz : Non, son activité en cuisine est minoritaire, puisque il s’agit d’un groupe de 300 salariés produisant des moteurs et systèmes électriques pour les professionnels de différents secteurs industriels. Son rapport avec la cuisine remonte à environ 60 ans lorsque Sermes était importateur de la marque d’électroménager allemande Bauknecht qui fabriquait également des meubles de cuisine. Lorsqu’elle a arrêté son activité, le dirigeant de Sermes a décidé de poursuivre sa présence active sur le marché de la cuisine, mais en s’adressant aux particuliers avec l’ouverture il y a une quarantaine d’années d’un magasin de cuisine qui a référencé les marques Häcker et Pedini.
Culture Cuisine : Quelles sont les caractéristiques de votre magasin aujourd’hui ?
Éric Artz : Il couvre une surface de 450 m2 sur lesquels sont exposés 9 ensembles de cuisine équipée. Nos effectifs sont composés de trois commerciaux, et un technicien assurant la prise de cotes, les commandes chez le fournisseur et le suivi des travaux, la pause étant réalisée en sous-traitance. Notre chiffre d’affaires est de 2,5 millions d’euros.
Culture Cuisine : Quel regard portez-vous sur le marché actuel de la cuisine équipée ?
Éric Artz : Il est clairement en berne, en raison d’un contexte défavorable pour ne pas dire anxiogène, marqué par la guerre en Ukraine, la crise de l’immobilier, le retour de l’inflation et les élections législatives anticipées suite à la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président. Ce marché est devenu très disputé en moyen de gamme, c’est-à-dire pour les paniers moyens entre 10 000 et 15 000 € pose comprise. Le contexte concurrentiel s’est en effet fortement durci depuis quelques années, notamment en raison de l’embellie conjoncturelle du marché qui a fait suite à la crise du covid et qui a attiré de nouveaux distributeurs espérant gagner facilement de l’argent. De plus, confrontés à ces difficultés, de nombreux magasins d’enseignes nationales de cuisine ont tendance à casser les prix, quitte à baisser leurs marges, ce qui génère un cercle vicieux qui pénalise notre activité. Comme il est hors de question d’en faire autant, nous avons opté pour une solution inverse, en montant nos prestations en gamme. En effet, la concurrence est moins forte dans les paniers moyens de 25 000 à 30 000 euros, car la clientèle concernée est plus exigeante et a des attentes plus fortes qui échappent à nombre d’acteurs de la distribution préférant appliquer une politique de volumes et de prix bas. Par ce choix assumé, nous nous adressons directement à une cible de consommateurs aisés qui, contrairement à l’ensemble de la population, dispose d’un pouvoir d’achat plus élevé aujourd’hui qu’il y a quelques années.
De la même manière, nos meilleurs clients sont ceux qui s’adressent à nous pour des travaux de rénovation de leur cuisine. Ayant atteint la cinquantaine, ils ont fait construire leur maison il y a une vingtaine d’années, ont remboursé intégralement leur crédit et ont ainsi aujourd’hui les moyens de se faire plaisir en acquérant une nouvelle cuisine belle et bien équipée. Lorsqu’elle a pris cette décision d’achat, cette catégorie de consommateurs est peu, voire pas impactée par le contexte politico-socio-économique.
Culture Cuisine : Vous référencez les marques Schüller et next125 depuis le début de l’année. Pourquoi ce choix alors que vous travailliez déjà auparavant avec une marque allemande (Rotpunkt Küchen) ?
Éric Artz : Pour plusieurs raisons. La première est que ces deux marques font partie du groupe Schüller et il était important pour moi de n’avoir qu’un seul interlocuteur fournisseur. La seconde raison réside dans le fait qu’elles me permettent de ne pas travailler exclusivement dans l’univers de la cuisine. Cette dernière est le plus souvent une pièce ouverte et il est pour nous cohérent et pertinent de proposer également des ensembles de mobilier pour les pièces attenantes que sont le salon ou la salle à manger, voire le cellier ou la buanderie. Les collections de Schüller et de next125 sont véritablement larges et nous permettent de répondre à ces divers besoins. La troisième raison est en rapport avec notre décision de monter en gamme pour séduire une clientèle plus aisée, ce que nos deux marques rendent plus faciles de réaliser. C’est bien sûr le cas plus particulièrement de next125, marque statutaire à laquelle nous avons consacré un espace fermé - façon shop in the shop - où deux modèles haut de gamme sont exposés et proposés avec un argumentaire spécifique. »
Propos recueillis par Jérôme Alberola
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