Un problème français dépassant la cuisine

Actualités - 01 juin 2021

Alexis Roucout, cuisiniste à Plancoët, précise les motifs de son choix de référencement d’une marque allemande, déplorant qu’il « règne en France un climat de tensions nuisible à la compétitivité » et que, durant le premier confinement décrété lors de la crise sanitaire, « le dysfonctionnement général du système dans notre pays a défavorisé certains cuisinistes par rapport à d'autres. » Rencontre.

Culture Cuisine : Pouvez-vous rappeler votre parcours et les motifs qui vous ont conduit à référencer une marque allemande de cuisine ?

Alexis Roucout : « J'exerce le métier de cuisiniste depuis 20 ans, et je référence en effet une marque allemande (Nolte) depuis dix ans. J'ai débuté ma carrière en travaillant pour les enseignes Arthur Bonnet pendant 5 ans puis Schmidt pendant la même durée. Je n'ai donc jamais eu d'a priori négatif envers les fabricants français de cuisines équipées, mais j’ai réalisé après cette première décennie que je n’étais pas réceptif à leur système de travail et, plus largement, leur mentalité. Les industriels français, et plus encore les artisans, sont tout à fait capables de concevoir de belles cuisines, mais je trouve que ce savoir-faire se perd où se dégrade depuis plusieurs années. Il y a en revanche une rigueur dans les usines allemandes, ceci à tous les postes et dans toutes les fonctions de la chaîne de production, qui permet de maintenir une constante qualité de fabrication mais aussi de livraison, réduisant ainsi considérablement le taux de SAV, source de retard et de désagréments pour tout cuisiniste. Le choix que j'ai fait il y a dix ans m’a permis ainsi de travailler plus sereinement. J'avais déjà pu le vérifier lorsque je distribuais Arthur Bonnet, car mon patron de l'époque référençait également Nolte. La différence entre les deux marques était alors déjà sensible et elle est restée manifeste selon moi 15 ans plus tard. Je ne jette pas la pierre spécifiquement sur les fabricants français de cuisine, et je connais d'ailleurs le même genre de problèmes avec deux fabricants de dressing avec lesquels je travaille. Au-delà de l’habitat, le problème de la dégradation de la qualité de travail et de son rendu concerne l’ensemble des entreprises françaises, quels que soient les secteurs d'activité, mais aussi des salariés souvent plus enclins à se plaindre ou à manifester, parfois sans doute pour de bonnes raisons. Depuis longtemps, il règne en France un climat de tensions nuisible à la compétitivité et ses causes ne résident pas seulement dans des différences de charges sociales et patronales.

Culture Cuisine : La crise du covid-19 a-t-elle marqué une évolution dans un sens ou l'autre ?

Alexis Roucout : Cette crise sanitaire et ses conséquences économiques ont confirmé de manière criante l’écart existant entre les deux rives du Rhin. Lors du premier confinement, les cuisinistes référençant des marques allemandes ont pu continuer d'exercer leur activité, alors que les magasins distribuant des produits français ont subi les conséquences des fermetures administratives des usines de leurs fournisseurs, et ont accumulé des retards dommageables. Les industriels français ne sont bien sûr pas responsables de cela. Il n'empêche : le dysfonctionnement général du système dans notre pays a défavorisé certains cuisinistes par rapport à d'autres. À titre personnel, je ne peux que me réjouir d’avoir fait un choix me protégeant de ces ennuis. »

Propos recueillis par J.A   

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