L’art de la pose et la pause de l’art

Actualités - 24 nov. 2021

Poseur de cuisine depuis 20 ans, David Messin se sert de sa passion pour l’art, la peinture notamment, pour sublimer le plaisir et la fierté de réaliser l’installation d’une belle cuisine, avec la vocation que leurs propriétaires la regardent comme un tableau. Il nous explique comment « il apprend puis joue sa partition », mais aussi comment son travail a changé ces dernières années et la nécessité d’avoir une excellente relation de binôme avec le cuisiniste concepteur-vendeur. Une interview à lire et méditer, pour tordre le cou à certaines idées reçues.

Culture Cuisine : Quel est votre parcours et quelle est votre activité aujourd’hui ?

David Messin : « Menuisier diplômé, j’ai commencé mon parcours professionnel il y a vingt ans en fabriquant des fenêtres, des escaliers et des mobiliers divers, changeant volontairement de travail tous les trois ans afin de diversifier mes compétences. J’ai ainsi appris le métier de poseur en agencement intérieur, y compris de cuisines équipées, d’abord comme salarié puis en me mettant à mon compte en qualité d’artisan il y a dix ans. L’installation de cuisines est rapidement devenue ma seule activité professionnelle. Je travaille exclusivement avec deux cuisinistes, l’un situé à Annecy et l’autre dans le pays de Gex, ce qui suffit largement à remplir mon agenda chaque semaine, sans que mon planning soit trop compliqué à gérer. 

Culture Cuisine : Le métier de poseur a-t-il connu des changements au cours des dix dernières années ? Et quelles en sont les conséquences directes sur votre activité ?

David Messin : Les méthodes et procédés de pose des cuisines avec fixation des meubles n’ont pas changé au cours des dix dernières années. La principale évolution a en réalité été générée par l’amélioration des produits, notamment des surfaces telles que les laques et certains mélaminés, qui conduit à être encore davantage soigneux dans la manipulation des meubles et façades. L’autre grand changement réside dans la sophistication des appareils ménagers qui nous oblige à connaître davantage de fonctionnalités et pouvoir les expliquer aux nouveaux propriétaires de cuisine. En effet, un poseur est également un installateur et, de ce fait, c’est à lui que revient la charge d’expliquer la mise en service et le bon usage des fours, plaques de cuisson, lave-vaisselle et autres réfrigérateurs. La multiplication des fonctions rend cette partie du travail plus complexe et parfois, nous sommes obligés de nous renseigner sur les notices ou sur Internet.

Culture Cuisine : Depuis vos débuts dans la profession avez-vous vu arriver une nouvelle forme de concurrence ?

David Messin : Pas véritablement ou alors elle n’a pas duré longtemps, étant le fait de bricoleurs amateurs qui se sont improvisés poseurs en devenant auto-entrepreneurs, statut qui n’existait pas auparavant. Je ne les critique pas car sans doute ont-ils décidé cela pour faire face à une pénible situation économique personnelle, pensant que ce statut leur permettrait de retrouver rapidement une activité professionnelle saine et pérenne. Le problème est qu’ils constituent une concurrence déloyale pour les artisans poseurs professionnels qualifiés car, ne  payant pas les mêmes charges, ils peuvent proposer des tarifs inférieurs aux nôtres. Toutefois, la plupart du temps, le travail n’est pas fait correctement et les consommateurs s’adressent ensuite à des professionnels comme moi. Ce dumping socio-économique n’a donc pas duré longtemps et il représente une part marginale du marché aujourd’hui.   

Culture Cuisine : Enfin,  vous êtes aussi amateur d’art, visiteur assidu des expositions des formes classiques et contemporaines. Cette passion a-t-elle une influence sur votre vision de la cuisine en tant que pièce architecturale et dans l’exercice concret de votre travail ?   

David Messin : Sans doute mon goût pour l’art renforce-t-il le plaisir de réaliser la pose d’une belle cuisine design et la fierté de son installation réussie lorsqu’elle est terminée et qu’on peut alors apprécier toutes ses qualités esthétiques. Fréquenter les musées et les expositions me donne ainsi davantage encore l’envie de faire les choses le mieux possible, ce qui traduit le lien entre artiste et artisan. D’ailleurs, lorsque j’ai terminé l’installation d’une belle cuisine, j’espère que leurs propriétaires la regardent comme un tableau. Je prépare mes installations bien en amont, en apprenant les phases successives de pose comme une poésie et en m’imprégnant mentalement des plans de ce que devra être le résultat final. C’est aussi comme une nouvelle partition que j’apprends à chaque fois, avant de la jouer au domicile des particuliers. Pour cette raison, il est essentiel d’avoir une excellente relation de binôme avec le cuisiniste concepteur-vendeur, telle que je l’entretiens avec Raphaël Doncque, gérant d’Ambiance Intérieur à Annecy (visuel ci-dessus) et son équipe qui ont une excellente vision des choses. Ainsi, une cuisine réussie est-elle le fruit d’une collaboration suivie à chaque étape et dans laquelle tous les professionnels intervenant ont la même importance. »

Propos recueillis par J.A

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