Les cuisines Ikea deviendront-elles une affaire de façades ?

Actualités - 01 oct. 2019

 

Les cuisines Ikea deviendront-elles une affaire de façades ?

Une start-up suédoise indépendante vient d’ouvrir une boutique à Paris, en complément de son site Superfront qui permet de remplacer les portes des meubles de cuisines, en conservant les caissons des anciens modèles Faktum et des nouveaux Method. Prolonger leur vie freinera-t-il les ventes du leader mondial de l’ameublement ?  

 

L’article est paru dans Les Échos le 26 septembre dernier, jour où Jacques Chirac, président de la République française de 1995 à 2007 est décédé, suscitant une grande vague d’émotion dans le pays. Cette quasi-unanimité de l’hommage s’explique en raison de l’image d’homme proche des Français qu’il a laissée, mais aussi - sans que ceci soit indépendant de cela - parce qu’il était le dernier président de l’ancien monde, révolu et source de nostalgie, dans lequel n’existaient pas notamment les réseaux sociaux et autres alibis technologiques de la dilution des rapports humains dans la vanité (dans les deux sens du terme) de l’égo roi, sans foi ni loi (sauf celles du marché).

 

L’actualité présente parfois des coïncidences ou corrélations inattendues que Jung désignait par le terme de synchronicité. En l’occurrence, l’article de notre consœur Valérie Leboucq évoque lui aussi le passage d’un ancien à un nouveau monde, lui aussi consumériste mais de la cuisine seulement. A vrai dire, l’idée de de changer uniquement les façades des meubles de cuisine, pour allonger la vie de son ensemble à moindre frais, n’est pas nouvelle. Certains acteurs du secteur la promouvaient ainsi il y a quelques années déjà, voire dès les années 1990, soit au siècle dernier (eh oui, l’ancien monde n’est pas si vieux que cela…). Mais aucun ne l’avait concrétisée, du moins pas au point de lui donner une dimension commerciale comme celui qu’a amorcée le site suédois Superfront en prenant pour base de développement - excusez du peu - le leader mondial de l’ameublement. Voici quelques extraits choisis de l’article relatant la chose et dont la teneur entraine des questions essentielles pour l’ensemble de la filière :       

      

« Vous en avez assez de votre vieille cuisine Ikea sans avoir le budget pour tout casser ? Superfront a la réponse au désir de changement qui s’empare de nous à la rentrée. Ce site suédois permet de remplacer les façades (portes) de ses meubles de cuisines (ou de salle de bain) en conservant la structure des modules d’origine qui, en général, ont mieux résisté au temps. La transformation est complétée par le choix de nouvelles poignées de porte et/ou des pieds sur lesquels reposent les caissons. 

D’autres site, comme Oskab, notamment, permettent des transformations équivalentes, mais Superfront, veut faire la différence grâce à la profondeur de son offre, à l’attention portée au style et à la recherche de matériaux (laiton, pierres dures notamment) qui confèrent une touche luxe au résultat final. 

Lancé il y a six ans et opérationnel dans tous les pays de l’Union européenne dont la France, Superfront, a ouvert ces jours-ci une première boutique éphémère à Paris (rue de Turenne dans le 3ème arrondissement, ndlr) en attendant de se trouver un point de chute définitif. “La décision de travailler à partir des formats et modèles Ikea nous a paru astucieux pour gagner du temps”, explique Monica Born, co-fondatrice du site avec son mari (…)

Le point de départ de l’aventure entrepreneuriale a commencé il y a six ans. La jeune entreprise (qui n’a aucun lien financier avec le leader mondial de l’ameublement) réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros et a rejoint l’index Inc 5000 de la bourse de New York, l’indice des start-ups en forte croissance. 

Superfront s’adapte à la ligne de mobilier de cuisine Method, le nouveau standard Ikéa comme à l’ancien, Faktum, arrêté il y a six ans et qui regagne ainsi quelques années d’espérance de vie. (…)

Nous répondons à la forte attente des consommateurs qui cherchent de plus en plus à personnaliser du mobilier par ailleurs parfaitement standardisé", estime Monica Born (…) L’impact environnemental est bien-sûr présent à l’esprit des créateurs de Superfront. “Dans le mobilier, c’est le processus de fabrication lui-même qui consomme de l’énergie et de la ressource, contrairement à l’auto ou à l’électroménager qui en consomment tout au long de leur durée d’utilisation”, remarque la dirigeante du site. Or, la solution proposée “permet de réduire cette phase puisqu’en gros la moitié des matériaux utilisés pour la réalisation d’une cuisine neuve, peuvent être économisés”, assure-t-elle. » 

 

L’ensemble de la filière cuisine pourrait-elle être impactée par cette nouvelle façon de concevoir la cuisine équipée ? On pourrait en douter, avec pour premier argument la mise en perspective des 5 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés par la société après 6 exercices en regard des plus de dix milliards du marché européen. Il n’en convient pas moins de se méfier de l’eau qui dort, le passé ayant montré que des marchés se sont développés pleinement une fois que les conditions de leur maturité étaient réunies. De fait, quelque questions essentielles pour la filière (industriels et distributeurs) pourraient se poser :   

 

- Donner une deuxième vie aux meubles de cuisine tuera-t-il dans l’œuf leur première ?

 

- Cette façon de vendre des cuisines concernera-t-il d’autres enseignes et d’autres fabricants de cuisines intégrées qui, dès lors, ne le seraient plus vraiment, car ne concevant plus d’ensembles sur mesure devant « s’intégrer » dans des pièces aux dimensions variables ?   

 

- Alors que la cuisine équipée prend un nouvel essor dans le contract, la pose de caissons va-t-elle se développer comme une offre régulière dans les livraisons de logements neufs (maisons ou appartements), en proposant aux acquéreurs le choix plus facile des seules façades ?

 

- Le métier de poseur sera-t-il appelé à disparaître ? Et avec lui les frais de pose et les marges afférant et légitimes qui permettent aux cuisinistes de gagner leur vie et de bien résister face aux grandes surfaces, en faisant valoir leurs compétences spécifiques ?     

 

- Le cas échéant, le métier de cuisiniste est-il lui-même appelé à disparaître ou, au contraire, va-t-il voir sa pertinence renforcée, les magasins indépendants consacrant leur savoir-faire à des consommateurs préférant la carte au menu ?

 

Réponses à ces questions dans notre prochain article…    

 

Jérôme Alberola       

 

Source de l’article des Échos : ici

 

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