… en réparation d’appareils ménagers. C’est ce qu’a imaginé Stanley Ellin, écrivain considéré comme l'un des auteurs importants de la littérature policière américaine d'après-guerre, notamment pour ses nouvelles. Dans l’extrait qui suit, la correspondance établie avec un autre métier est susceptible de surprendre, voire provoquer quelques décharges.
« Ainsi, comme je l’ai dit, je suis électrocuteur, ce qui est le nom professionnel qui convient pour un métier où la chaise électrique est le moyen d’exécution. Non que ce soit là ma profession. En fait, c’est une occupation secondaire, comme pour la plupart d’entre nous qui procédons à des exécutions. Mon véritable travail consiste à tenir un magasin d’électricité et de réparation d’appareils ménagers, comme le faisait mon père avant moi. Quand il est mort, j’ai hérité non seulement de son magasin, mais aussi de sa fonction d’électrocuteur.
Nous avons établi une tradition, mon père et moi. Il tenait déjà son magasin avec profit, dès le début du siècle, quand l’électricité était relativement récente et il a été le premier homme à procéder avec succès à une électrocution pour l’État. Celle-ci avait été expérimentale et fort maladroitement menée par l’ingénieur qui avait installé la chaise électrique dans la prison d’État.
Mon père, qui l’avait aidé à installer la chaise, était assistant- électrocuteur et il me raconta que tout ce qui pouvait mal se passer ce jour-là, se passe à mal : le courant était irrégulier. (...) La fois suivante, mon père offrait de faire le travail lui-même. Il vérifia le courant électrique et tout se passe à si bien qu’on lui proposa officiellement le poste d’électrocuteur.
J’ai suivi sa trace, ce qui est une façon d’établir une tradition (...) »
Ce texte est extrait de « La question », nouvelle parue dans le recueil La douzième statue (1982, édition du Masque). Rappelons qu’il s’agit là d’une œuvre de fiction et que, selon la formule consacrée, « toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence. » Rappelons aussi que la chaise électrique n’a jamais été utilisée en France et que la peine de mort y a été abolie en 1981. Ceci ne doit pas empêcher de diffuser dans les magasins ou rayons d’électroménager le prodigieux album Ride the Lightning de Metallica sorti trois ans plus tard (lien ici avec sa perfide introduction médiévale) ne serait-ce que pour réveiller une clientèle aux désirs d’achat endormi (certes, cela change de la Belle au bois dormant, mais aux grandes causes les grands moyens…).
Jérôme Alberola
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