La croissance est-elle seulement du luxe ?

Actualités - 21 déc. 2012

 

L’Insee a publié ce matin sa projection pour le premier semestre 2013, prévoyant une croissance de 0,1 %, ce qui n’étonnera personne et est même encourageant selon certains économistes estimant que les critères fondamentaux à la reprise sont conservés, alors que certains craignaient une récession (le PIB a toute de même reculé de 0,2 au denier trimestre 2012). Dans ce contexte, avec + 22 % sur les neuf premiers mois de 2012 et des cours de Bourse records, le secteur du luxe a enregistré une croissance qui pourrait paraître insolente, mais dont les raisons en réalité intemporelles sont expliquées dans une analyse pertinente rédigée il ya quelques jours par Emmanuel Schafroth dans la rubrique économie de Yahoo. Extraits et application à la cuisine équipée.         

 

Le luxe est porteur de rêve
« Avec l’émergence au XXe siècle de la société de consommation, le luxe a cessé d’être isolé du reste de l’économie et il est, de fait, accessible à une base de clientèle beaucoup plus large et désormais mondiale. Pour autant, il conserve ses codes bien à lui. Un produit de luxe doit donner un sentiment de privilège social à celui qui l’acquiert, être porteur d’un rêve en même temps que d’un héritage, d’une histoire ». C’est l’essence de la cuisine équipée, quel que soit sa hauteur de gamme. Cela dit, sa démocratisation au cours des 30 dernières années, a d’abord érodé ce statut. Mais depuis quelques années, la volonté de se distinguer, c’est à dire de débanaliser la cuisine pour lui redonner son sens plein, favorise le haut de gamme.              

Le luxe dure toujours
« Il est lié à une notion de qualité mais aussi de pérennité, presque d’éternité. Historiquement, les objets les plus raffinés techniquement ou artistiquement ont souvent été dédiés aux morts, comme dans l’ancienne Egypte, où on leur construisait de somptueuses pyramides avant de les y enterrer avec des trésors inestimables. Si l’on n’enterre plus les morts avec autant de fastueux objets, la notion d’invulnérabilité au temps de l’objet de luxe perdure dans la communication de certaines marques. Patek Philippe clame ainsi à l’attention des futurs acheteurs de ses montres qu’ils n’en seront pas vraiment les propriétaires, mais seulement les gardiens pour la génération future ». Là aussi, les cuisine haut de gamme répondent au même principe : leurs composants et équipements sont choisis pour assurer la longévité du confort et de l’ergonomie de mouvements, et l’esthétique des modèles doit raffinée et intemporelle afin d’être hors des modes. On pourrait ainsi juger de l’authenticité du luxe d’une cuisine a posteriori lorsqu’on voit chez un particulier un ensemble resté en très bon état et séduisant 15 ou 20 ans après son installation.

 

Un secteur qui renverse les lois du marketing
« Dans leur ouvrage Luxe oblige, Jean-Noël Kapferer, spécialiste des marques, et Vincent Bastien, ancien dirigeant de marques de luxe Louis Vuitton ou Yves Saint-Laurent, rappellent qu’un produit de luxe ne s’adapte pas à la demande du client, mais laisse le client venir à lui. Lorsque la demande est nettement supérieure à l’offre, tout industriel va avoir tendance à adapter sa production, afin de générer un chiffre d’affaires supérieur. Au contraire, dans le luxe, susciter un sentiment de manque ou une attente du consommateur est une clé du succès : pour acquérir une Ferrari ou un collier de perles Mikimoto, il faut parfois attendre 12 à 24 mois, voire figurer sur une liste de clients triés sur le volet. Cette gestion de la rareté peut aussi se faire par le biais d’une distribution très sélective : longtemps les parfums Guerlain n’ont ainsi été disponibles que dans des boutiques spécifiques à la marque, même s’ils le sont désormais dans des chaînes de parfumerie comme Sephora ou Marionnaud ». La même problématique se pose dans la cuisine : un modèle haut de gamme nécessite des délais de livraisons plus longs et Bulthaup, Poggenpohl, Siematic, Boffi ou Christians ont toutes fait le choix d’une distribution sélective (voire hyper-sélective), même si elle prend des formes variées. Poggenpohl confie aussi désormais le référencement de ses produits à des magasins de décoration et mobilier haut de gamme.            

Gare à la dilution de la marque
« Pour croître, les marques du luxe sont parfois amenées à déborder du secteur proprement dit. En effet, si certaines marques de luxe sont suffisamment rentables sur leur cœur de métier, certaines peinent à y trouver un marché suffisamment large pour en vivre. Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer citent ainsi le cas de la haute couture, dont les acteurs sont obligés d’avoir une stratégie en pyramide. A côté des pièces uniques présentées lors des défilés, qui sont une sorte d’investissement dans la marque, ils produisent des séries plus larges, premium, voire accordent des licences qui vont diluer la marque dans un marché très grand public, ce qui n’est pas sans risques pour la valeur de la marque. Si le nom de Pierre Cardin reste fameux, l’intégralité du chiffre d’affaires de sa marque est réalisé via des licences. Cela n’empêche pas le nonagénaire propriétaire de Maxim’s d’être la 71ème fortune de France, avec 600 millions d’euros. Mais il pèse 35 fois moins que Bernard Arnault, et homme le plus fortuné des Français ». … Plus pour longtemps peut-être, l’empereur du luxe ayant à l’automne  demander la nationalité belge. Concernant la cuisine de luxe, il est certain qu’elle n’est pas à l’abri d’un risque de dégradation de son image en cédant aux sirènes tentatrices de la crise. Mieux vaut alors vendre moins de modèles mais conserver ses marges et sa réputation car elle reste le premier de croissance à cette hauteur de segment.

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