Prix écrasés : causes et remèdes

Actualités - 27 févr. 2015

Dans son intervention éditoriale diffusé mardi dernier 24 février sur notre site sous le titre « Quels sont les dysfonctionnements du marché ? », Jacky Bottaioli dénonçait notamment « l’excessive démocratisation de la cuisine équipée en France ». Le cuisiniste de Sens a mis  en cause « les médias véhiculant l’idée qu’acheter une cuisine Ikea était un acte de consommation branchée »en vertu du principe selon lequel« acquérir une cuisine à petit prix était un réflexe malin » ; il a aussi souligné comme effet pervers de cette dérive « d’abaisser considérablement le prix d’achat d’une cuisine estimé normal par le grand public, et par voie de conséquence, de faire passer les cuisinistes pour des magasins pratiquant des marges trop élevées ».

 

Les prospectus repris ci-dessus éclairent le propos de M. Bottaioli avec une crudité nouvelle. Ils justifient aussi et surtout son inquiétude, renforcé par le constat, partagé par nombre de ses confrères, d’une confusion croissante dans l’esprit des consommateurs, provoquée par l’abondance devenue profusion anarchique des enseignes différentes de distribution convoitant le marché de la cuisine équipée. Avec comme arme de conquête et argument de séduction, des prix toujours plus bas. Ceux affichés ci-dessus défient en effet toute concurrence (jusqu’à preuve du contraire, ou prochaine étape dans l’effondrement tarifaire), mais aussi une certaine idée de la cuisine équipée comme élément statutaire et/ou concrétisation d’un rêve.

 

Ces prospectus ont été diffusés fin janvier à l’entrée du magasin L’entrepôt du bricolage de Seynod (Haute-Savoie), sur des présentoirs à côté de ces deux modèles de cuisine exposés in situ, ce qui nous a permis de tester leur qualité. Le verdict est sans appel : les panneaux et revêtement de surface semblent tout à fait corrects (a fortiori pour le prix proposé), l’ensemble ne jurant seulement que par la finition trop franche de ses chants plaqués. Les ferrures, du fabricant turc Samet, sont plus éloquentes encore, assurant un coulissage certes moins précis que celui développé par les leaders réputés du secteur (cf. bannières sur les côtés de cet article), mais tout de même doté d’un amorti qui conviendra à l’ensemble des ménagères de plus ou moins de 50 ans, Même constat pour les charnières. Cette démocratisation est à comparer avec celle produite dans l’automobile, dont les systèmes ABS, ESP et de navigation électronique, d’abord réservés aux modèles haut de gamme, ont ensuite été intégrés en série par les marques de moyen de gamme puis de premiers prix. de Dans la cuisine équipée, cette généralisation pose toutefois question, voire problème pour les spécialistes, en raison de sa rapidité de réalisation, voire de son accélération. Et on peut légitimement se demander si les groupes industriels de mobilier occupant plusieurs segments de gamme n’auraient pas intérêt à respecter une hiérarchisation de leurs équipements fonctionnels, conforme à celle de leurs marques et de l’image qu’ils prétendent leur donner. Ils pourraient ainsi réserver plus longtemps les meilleurs systèmes de coulisses et charnières à leur marque la plus haut placée, et ceux de qualité juste en dessous à leur marque de cœur de marché ou moyen de gamme, ceci afin de les protéger de la confusion dans l’esprit des consommateurs conduisant, via d’excessives préconisations médiatiques, à se tourner vers leur marque de premier prix, ou vers celles d’autres industriels ou enseignes de distribution. De fait, les mêmes industriels ont axé leurs discours de séduction sur ces mêmes équipements fonctionnels, parce que ce sont eux qui ont le plus fait progresser les ensembles de cuisine depuis le début des années 1990 (tiroirs à sortie totale, à double paroi, avec amorti, charnières à angles d’ouverture variés puis à amorti, portes relevables ou coulissantes, etc.). Ayant bien compris qu’il s’agissait d’arguments de séduction efficace et leur permettant de tenir la comparaison avec les magasins de marques spécialisés, les enseignes généraliste de l’habitat, puis celles de bricolage ont adopté les mêmes composants, nourrissant la confusion. L’exemple donné ici en témoigne.  

               

La lecture des prospectus parfaitement détaillés (avec prix détaillé de chaque élément) rassurera toutefois quelque peu les cuisinistes. En effet, selon un procédé déjà usité, ces prix de 385 et 528 euros ne correspondent pas à la configuration présentée sur le visuel publicitaire, mais à la plus simple, soit en linéaire basique, réunissant 3 éléments hauts et autant d’éléments bas. Les prix s’appliquent « hors plans de travail, électroménager et robinetterie. Le poignées sont vendues séparément ». Et, bien sûr, la pose est à la charge et sous la responsabilité de l’acheteur. Soit une prestation globale (produit et service) qu’il devient difficile de comparer avec celle des cuisinistes et à fortiori de placer en leur défaveur.

 

Comme quoi un prospectus commercial peut révéler le contraire de ce qu’il est censé provoquer au premier regard, à condition de l’analyser sereinement. Ainsi, loin de nier cette réalité concurrentielle devant leurs clients et prospects, certains cuisinistes devancent les argumentaires de ces derniers en leur montrant de telles offres pour mieux leur expliquer la différence avec les prestations et compétences d’un véritable spécialiste cuisine. Et ainsi dissiper la confusion des esprits…

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