Trop de garantie tue-t-il la garantie ?

Actualités - 28 sept. 2021

Dirigeant-fondateur d’Agensia-Demeter, premier groupement de cuisinistes indépendants en France, Marc Edel dénonce, arguments incisifs à l’appui, les effets nocifs et contre-productifs de l’extension de la garantie des appareils ménagers au-delà de cinq ans. Et de rappeler l’adage : « il ne faut pas promettre plus de beurre que de pain. »

 « J’ai mis en place la garantie de 5 ans en 1996, à une époque où les comparatifs établis par les consommateurs entre les prix pratiqués sur Internet et ceux affichés par les cuisinistes commençaient à poser problème. Dans son principe, la garantie devait avoir un coût suffisamment bas pour  être offerte et contrebalancer les prix sur Internet. Plus de 20 ans après, la garantie 5 ans s’est généralisée avec cependant des différences de prix notables. Mais un autre phénomène est apparu. La surenchère de la durée. Si le principe est compréhensible d’un point de vue marketing, pour notre société qui gère la garantie en interne, sans sous-traitance comme le recours à une plateforme délocalisée et au regard de notre longue expérience, la viabilité de certaines prestations pourrait poser question. Par analogie avec le meuble de cuisine, certains fabricants ont pu proposer des garanties de 10 ans voire à vie pour les façades. Ceux qui connaissent la cuisine savent bien que changer une façade abimée au bout de 10 ans est très compliquée. Soit parce que le fabricant n’a plus de façade de remplacement, soit parce que, dans le cas contraire, la différence entre une façade toute neuve et les autres portant les traces de 10 ans de vieillissement se verra comme le nez au milieu du visage. Le consommateur dans sa toute-puissance exigera alors que toutes les façades soient changées. A partir de là commence une scène de ménage à trois où chacun veut avoir raison.

Pour l’électroménager, l’escalade est menée avec plus ou moins de cohérence. Les fabricants se sont lancés dans la course pour différentes raisons : rassurer les consommateurs pour les marques encore peu connues, conférer un avantage à leurs clients et renforcer le statut de marque haut de gamme, allant pour certaines jusqu’à 10 ans de garantie, mais avec un coût qui est presque équivalent au prix d’achat de l’appareil par le professionnel. Cette dernière garantie est néanmoins cohérente entre le risque et le coût financier de ce risque. Mais aujourd’hui apparaissent sur le marché des garanties dont le coût semble en décalage avec le risque. Il faut savoir que si un problème de panne se pose, le consommateur revient prioritairement vers le magasin qui a proposé la garantie, qu’elle soit légale ou contractuelle. C’est donc le cuisiniste qui portera aux yeux du consommateur la responsabilité d’un dysfonctionnement D’un point de vue non seulement commercial mais également légal, le consommateur doit engager le professionnel qui lui a vendu la prestation. Assurer pas cher un risque sur une période très longue pose question. Il y a certes désormais une obligation pour les fabricants d’indiquer la durée de disponibilité des pièces détachées. Mais qui a lu cette directive pour en connaitre les limites ? Les problèmes rencontrés depuis 2020 dans l’approvisionnement des appareils électroménagers constituent un signe inquiétant pour la disponibilité des pièces détachées. La non-réparabilité suppose le remplacement à neuf de l’appareil. Mais si la garantie n’est pas chère, le prestataire risque de perdre de l’argent. Quelle est alors la viabilité de ce modèle ? Nous savons tous que les pannes sont importantes dès les premiers mois et diminuent par la suite, sauf séries défectueuses, pour remonter en quatrième et surtout cinquième année. Mais si nous prolongions la courbe, les taux de panne arriveraient dans des zones très élevées. L’avenir nous le dira, mais le bon sens populaire a un adage qui dit ; il ne faut pas promettre plus de beurre que de pain. »

Marc Edel

Visuel ci-dessus : En 1948, les Trente Glorieuses commençaient à peine en France. Brigitte Bardot apparait, huit ans avant de devenir l’un de nos emblèmes nationaux et la de la libération de la femme, par grâce de la caméra de Roger Vadim, et non de l’électroménager qui s‘en vantera, six ans plus tard encore, avec le slogan de Moulinex, autre emblème d’une industrie tricolore alors conquérante. (J.A)

Partager cet article

Trop de garantie tue-t-il la garantie ?
Trop de garantie tue-t-il la garantie ?

Liens sur vignettes ci-dessous