Recettes de cuisinistes face à l’inflation et la pression des prix

Actualités - 06 sept. 2022

Alors que la crise des approvisionnements et l’inflation générée ont replacé la question du pouvoir d’achat au centre des débats politiques et médiatiques, comme des préoccupations des Français, la guerre des prix des cuisines équipées fait rage, menées notamment par les grandes surfaces de bricolage. Jean-Pierre Mille (Saint-Etienne) et Alain Maillet (Fontainebleau) expliquent les armes et stratégies utilisées pour tirer leur épingle du jeu incertain sur le marché.

Culture Cuisine : Que pensez-vous de l’inflation actuelle des prix en France ?

Jean-Pierre Mille, gérant du magasin Art et Création près de Saint-Étienne (Loire) : : « À la date d'aujourd'hui (début juillet), l'inflation n'a pas encore d’effets trop néfastes sur les achats du quotidien, mais elle a déjà généré une hausse réelle des prix pour les équipements du foyer nécessitant des investissements importants, tels que la cuisine intégrée. Je ne suis pas certain que cela ait déjà changé les envies de cuisine belle et fonctionnelle chez les consommateurs, mais on sent toutefois qu’un frein psychologique commence de jouer quant au désir de réaliser leur achat lorsqu'ils sont en magasin. Il y a actuellement un phénomène d'attentisme qui pourrait se changer en baisse réelle des budgets dédiés à la cuisine, si la situation se poursuivait. Cette période est délicate pour les cuisinistes, car nous sommes confrontés à une hausse des tarifs d’environ 8 à 10 % pratiqués par nos fournisseurs de meubles, dressing, électroménager et sanitaires.

Alain Maillet, gérant d’A.I. Concept à Fontainebleau (Seine et Marne) : « Il y a incontestablement une hausse des matières premières, mais je pense aussi que certains acteurs de différents secteurs d’activité spéculent en provoquant une inflation artificielle servant leurs intérêts.

On constate ainsi que certaines multinationales enregistrent des bénéfices record.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les médias donnent l’impression que ce pays était auparavant le premier ou l’un des premiers producteurs mondiaux de nombreuses matières. Si je m’en tiens à mon activité de cuisiniste, j’ai déjà subi au cours du 2ème trimestre une augmentation des prix de la robinetterie de 20%,carrelage idem , ce qui est considérable. Les hausses sont moins importantes - de l’ordre de 8 à 12 % - dans mes achats de meubles de cuisine. C’est aussi le cas en électroménager, mais nous subissons en plus des problèmes de rupture de stock, ce qui pose la question d’une hausse des prix supplémentaire lorsque les fabricants pourront de nouveau approvisionner leurs clients. Ce qui est certain, c’est que nous travaillons avec des tarifs ne durant plus 6, mais 3 mois.    

Cette inflation intervient après une période très contrastée en termes d’activité : l’année 2021 a été marquée par neuf mois d’une croissance exceptionnelle post-confinements, suivie d’un dernier trimestre atone ; puis 2022 a débuté sur les chapeaux de roue, avant un coup de frein brutal entre avril et juillet. Je continue toutefois à travailler avec quelques « gros » dossiers réalisés en collaboration avec des cabinets d’architectes.

De fait, les consommateurs aisés continuent à consacrer des budgets importants à l’aménagement de leur foyer, l’inflation ayant moins d’impact sur leurs dépenses.  Les clients se situant dans les segments moyen-haut et premium vont peut-être voir leur panier moyen descendre de 20 000 à 18 000 euros, ce qui reste gérable.

Je pense, mais j’espère me tromper que les effets les plus préjudiciables affecteront sans doute les cuisinistes d’entrée à moyen de gamme qui auront plus de mal vendre leurs modèles entre 6 000 et 10 000 €, car ils s’adressent à une typologie de consommateurs qui sera contrainte de faire des choix budgétaires. 

     

Culture Cuisine : Comment comptez-vous réagir (stratégie) et comment pouvez-vous vous défendre face à la pression des prix, exercée notamment par les grandes surfaces de bricolage ?

Jean-Pierre Mille, gérant du magasin Art et Création près de Saint-Étienne (Loire) : « Nous sommes contraints de serrer les marges et de travailler au plus juste, en proposant des remises et cadeaux divers afin de rester attractifs. Certains clients commencent en effet à vouloir négocier au prix le plus bas, tout en conservant une qualité de service recherchée chez un cuisiniste. C'est cette nouvelle équation que nous devons actuellement résoudre, d’autant plus que les grandes surfaces de bricolage, mais aussi celle spécialisée de distribution de cuisine, instaurent une pression sur les prix. Le rebond exceptionnel de notre marché a entraîné l’ouverture de nombreux magasins de cuisine en quelques mois (une quinzaine sur ma zone de chalandise, par exemple) qui ont exacerbé la concurrence en la rendant plus virulente. Afin de mieux résister et de nous distinguer, nous mettons toujours plus l'accent sur notre qualité de services, en proposant notamment une offre complète de gestion des travaux. »    

Alain Maillet, gérant d’A.I. Concept à Fontainebleau (Seine et Marne) : Je vais resserrer mes marges pour proposer des prix restant attractifs. Cela ne suffira cependant pas pour être directement concurrentiel avec les grandes surfaces, mais cela n’a jamais été ma vocation. Je conserverai donc la même philosophie, en expliquant à mes clients que nous sommes effectivement plus chers, parce que nous proposons une qualité de services et un niveau de prestations qui justifient leur choix de s’adresser à un spécialiste cuisine. Les gens qui veulent de la qualité adhèrent toujours à ce discours lorsqu'il est bien étayé 

Propos recueillis début juillet 2022 par J.A 

Visuels

En haut à droite et en haut de l’article : campagne de publicité TV de Castorama – juillet 2022

Ci-dessus : campagne de publicité TV de Brico Dépôt - mai 2022

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