La cuisine, reine des pièces et des archis

Actualités - 01 sept. 2020

 

La cuisine, reine des pièces et des archis

Il n’y a pas qu’aux échecs qu’elle domine les autres et c’est elle qui permet aux architectes d’intérieur d’exprimer au mieux leur « jus de cerveau ». C’est ce qu’explique, arguments concrets à l’appui, Florian Bochard, fondateur et dirigeant de l’agence parisienne Atelier FB. 

 

Culture Cuisine : La cuisine est-elle la pièce reine de l’habitat ?

Florian Bochard : « Oui, parce qu’elle profite depuis une douzaine d’années d’un double phénomène médiatique et convergent, à savoir le fort développement des émissions de télévision consacrées d’une part à la décoration et l’aménagement de l’habitat, avec pour effet de démocratiser notre métier d’architecte d’intérieur et, d’autre part, dédiées à la pratique culinaire à domicile, sous diverses formules et animées par de véritables chefs. De fait, dans les grands appartements haussmanniens que nous avons la charge de rénover intégralement, on nous demande de repositionner la cuisine comme une pièce centrale, cloisonnée ou non et attenante à la pièce de vie qu’est le séjour. Ainsi a-t-elle quitté le fond des logements où elle était quasi invisible et réservée à l’origine aux gens de maison (1). En raison de la hausse du prix du mètre carré à Paris, nous sommes amenés à réduire la surface des salles à manger au profit de l’espace cuisine, avec typiquement l’implantation d’un îlot central, prolongé ou non par une table ou un plateau, et permettant de constituer un coin sur lequel on peut manger de manière formelle ou improvisée. Jadis pièce de service, purement fonctionnelle et loin des regards, la cuisine est devenue élégante, décorative et lieu statutaire pour ses propriétaires qui n’hésitent pas à y consacrer 20 à 40 % de leur budget global de rénovation de l’habitat.  

 

 

Culture Cuisine : Comment appréhendez-vous la configuration de la cuisine lors de vos divers projets ?

Florian Bochard : Notre objectif est évidemment de répondre au mieux aux demandes de nos clients, tout en mettant en œuvre des solutions pertinentes dépassant leurs désirs et qui les surprennent agréablement. La demande de cuisine entièrement cloisonnée est en diminution, mais cela ne signifie pas pour autant que cet espace soit toujours totalement ouvert. Il arrive notamment que nos clients se déclarent réticents à l’idée de sentir les odeurs de cuisine dans l’appartement. Nous recourons alors à l’installation de verrières, solutions à la fois esthétique et fonctionnelles qui sont particulièrement appréciées aujourd’hui. Nous avons aussi travaillé récemment pour des particuliers d’origine asiatique, résidant dans un appartement haussmannien et qui nous ont demandé d’y implanter deux cuisines, l’une fonctionnelle avec les appareils ménagers et l’autre d’apparat, très belle, donnant sur le séjour. Cette double disposition domestique était pour nous une première.

 

Culture Cuisine : Comme la plupart de vos confrères que nous sondons régulièrement sur notre magazine associé Culture Agencement, vous pensez donc que la cuisine est la pièce la plus intéressante à travailler, ceci en dépit des contraintes variées, techniques notamment, qu’elle impose ?

Florian Bochard : Tout à fait, parce qu’elle doit combiner les aspects très fonctionnels et donc normés, en respectant la fameuse répartition des tâches de préparation des repas (stockage, lavage, cuisson) et les distances entre celles-ci, mais aussi en installant la meilleure ventilation possible, avec une recherche poussée et soignée de l’esthétique, au-delà des seuls effets de façades, en tenant compte des divers éléments de mobilier, d’appareils ménagers et de sanitaires tels que l’évier, du plan de travail ou encore de l’éclairage devant mettre l’ensemble en valeur, tout en créant une atmosphère particulière. La cuisine est ainsi la pièce de l’habitat dont la conception entraîne le plus d’enjeux, et j’ai l’habitude de dire que c’est là que s’exprime le mieux le jus de cerveau des architectes d’intérieur. Quant aux contraintes que vous évoquez, non seulement elles ne sont pas une gêne, mais elles constituent même l’essence de notre métier et du plaisir qu’il génère. Outre mon activité de dirigeant de l’Atelier FB, je suis enseignant en architecture d’intérieur. J’ai déjà constaté que si l’on ne donne à un étudiant aucune contrainte pour réaliser son projet, il n’en fera pas quelque chose de réussi. À l’inverse, si vous lui imposez de nombreuses contraintes, ce challenge le motivera et aiguillonnera sa créativité. Il en va de même pour les architectes d’intérieur. »

 

 

Propos recueillis par Jérôme Alberola

 

(1) Sur ce sujet, lire aussi sur les liens ci-dessous les deux interviews de Monique Eleb, psychologue et docteur en sociologie, professeur à l’École d’architecture Paris-Malaquais, sur l’évolution de la pièce cuisine et de son usage par les Français, diffusées sur Culture Cuisine en 2007 et 2014.

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Comment la cuisine a-t-elle évolué depuis 20 ans ?

 

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