Cuisinella fait un very bad buzz

Actualités - 14 déc. 2012

Contrairement à la télévision qui s’adresse à des téléspectateurs passifs et peu connectés entre eux (par le biais des discussions de famille ou de bureaux sur les programmes de la veille), Internet est un média bien moins docile par lequel vouloir imposer des messages de propagande politique ou de promotion commerciale est autrement plus délicat, voire risqué. C’est que loin de ressembler aux caricatures de téléspectateurs hypnotisés et/ou avachis devant leur petit écran (désormais grand, plat et souvent coréen), pour lesquels un ancien patron de TF1 considérait utile de rendre leur cerveau disponible pour mieux leur vendre une célèbre boisson gazeuse (explication en cliquant sur ce lien), les internautes – et pas seulement les jeunes – utilisent la Toile depuis ses débuts comme une moderne Agora (cette place de la Grèce antique sur laquelle les citoyens échangeaient leurs points de vue). La technologique et la globalisation du monde au 21ème siècle leur ont donné une réactivité aux événements en temps réel tout en élargissant sans limite leur auditoire.

 

Les responsables de Cuisinella, enseigne cadette de la Salm, viennent d’en faire l’expérience après avoir diffusé un nouveau spot qui a suscité des réactions indignés, se répandant comme une sulfureuse trainée de poudre à la vitesse des hauts débits de connexion. On laissera le soin à nos lecteurs de prendre connaissance du film publicitaire fustigé en cliquant sur les quelques liens à la fin de cet article. 

      

Certes, comme des internautes le rappellent, Cuisinella est coutumière des spots de pub à l’humour décalé et provocateur. Mais jusqu’à présent, si certains pouvaient se déclarer un peu choqués par quelques scènes (une femme qui défenestre son mari, une autre croyant surprendre le sien en pleine agitation onaniste devant l’évier, etc.), toutes les saynètes dégageaient un esprit d’humour, certes potache, mais sympathique et leur scénario avait surtout une cohérence qui rendait le message clair.

 

Ce n’est pas le cas du spot incriminé, dont on peine, même avec la meilleure volonté du monde, à trouver un lien logique entre les prétendus gags, l’ambiance macabre, la chute et l’intérêt d’acheter une cuisine de la marque. Quant à définir le message général souhaité, était-ce de dire qu’il ne faut pas attendre d’être mort pour acquérir un modèle de Cuisinella ? Auquel cas, n’aurait-il pas été plus élégant et efficace de s’inspirer du spot de la CNP, chef-d’œuvre salué pour sa superbe poésie et son message universel Cliquez ici pour le visionner, en montrant, par exemple, une petite fille déclarant qu’elle aura une Cuisinella quand elle sera grande, puis qui réalise son rêve après l’avoir différé à de successives étapes importantes de sa vie ?

 

Outre la confusion du message, c’est sa provocation qui a déclenché les réactions en chaîne sur Internet, relayées par des sites sérieux d’information. Que cette provocation soit jugée gratuite et outrancière peut faire matière à débat et l’humour noir a fait le succès de grands humoristes (Franquin en BD, Desproges à la TV, les Monty Python ou C’est arrivé près de chez vous au cinéma, entre autres). Car, au risque d’oser une La Palissade, on peut rire de tout, si c’est drôle. De plus, quitte à vouloir être décalé, autant être conscient du contexte sociétal dans lequel on s’exprime : commencer un spot en montrant des quidams se faire tirer dessus en pleine rue par des snipers, c’est oublier que l’atroce affaire Merah est encore dans l’esprit des Français qu’inquiètent sans répit les annonces trop régulières de tués par balle dans les rues de Marseille, Corse ou les commerces de Région parisienne… C’est oublier plus généralement, et plus fondamentalement aussi, que depuis l’invention de sa naïve ancêtre appelée la réclame, la publicité a pour première règle d’or de délivrer des images et un message positifs, surtout s’il s’agit d’inciter à l’achat d’une cuisine qui, en raison de son investissement d’argent et dans le temps, reste un acte anxiogène pour les consommateurs.

 

Enfin, le jeunisme est comme la jeunesse un produit instable et difficile à maîtriser : une imitation ratée de Paranormal Activity suscitera une incompréhension des plus de 50 ans qui ne comprendront pas ce mode narratif, et des réactions plus virulentes des jeunes qui apprécieront mal que leurs codes soient dévoyés au profit d’une marque commerciale. Une véritable parodie aurait été plus efficace, à l’instar du jeune punk hirsute des années 1980, dégoûté par le fait que ses parents bourgeois aient acheté une cuisine Cagivo (pardon : Vogica). Ce spot fameux Cliquez ici pour le visionner a assuré une notoriété pérenne à la marque et il est resté dans la mémoire de nombreux français. Pour de bonnes raisons, cette fois…

 

A lire sur les liens ci-dessous les analyses des divers sites d’informations et les commentaires des internautes :                        

 

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/737023-bad-buzz-pub-cuisinella-la-marque-avait-deja-fait-cent-fois-pire-que-cette-video.html

 
 

http://www.lefigaro.fr/societes/2012/12/12/20005-20121212ARTFIG00739-cuisinella-assume-le-bad-buzz-de-son-spot-publicitaire.php

 

http://www.bfmtv.com/high-tech/bad-buzz-cuisinella-assume-parti-pris-403048.html

 

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