« Attention au populisme dans le monde de la cuisine ! »

Actualités - 24 déc. 2019

 

« Attention au populisme dans le monde de la cuisine ! »

Emanation naturelle et technologique de sa version imprimée née en 2006, le site d’informations Culture Cuisine fêtera ses dix ans en 2020. Une décennie durant laquelle le commerce sur Internet aura bouleversé la donne du marché, en « assouvissant le fantasme du consommateur-roi », comme l’explique ici Marc Edel, dirigeant fondateur d’Agensia/Demeter, premier groupement français de cuisinistes indépendants.

 

« Si en politique, on entend aujourd’hui par populisme, le fait de faire croire au commun des mortels à l’aide de caricatures et de contre-vérités que l’on protège ses intérêts, alors oui, il faut considérer que cela est devenu le gros problème de la cuisine sur mesure ces 10 dernières années. Il faut reconnaitre que le terreau était particulièrement favorable à l’explosion de ce populisme commercial.

 

Notons d’abord que cette évolution s’inscrit dans un mouvement global et mondial, motivé notamment par le commerce via internet, dont les leaders prônent prioritairement la valeur du prix bas. Cette valeur n’est pas seulement économique : elle est devenue culturelle. Les prix bas des sites Internet confèrent une crédibilité, une “honnêteté politique” à ces derniers et, par voie de conséquence, les consommateurs les consultent également pour comparer ou s’informer. Mais il serait erroné de croire que c’est le seul prix bas qui justifie le succès des ventes sur la Toile ; les services tiennent une grande part (accessibilité 24H/24, délais de livraison de plus en plus courts, droit à l’erreur, etc.).

 

Ainsi donc, en apparence, Internet assouvit le fantasme du peuple des consommateurs, celui du consommateur-roi. J’insiste sur l’apparence, parce que le populisme est une déformation extrême de la réalité qui ne peut prospérer que sur un manque d’information, de formation et d’expérience de la cible visée. Or, dans le domaine de la cuisine sur mesure, les expériences des consommateurs sont extrêmement limitées. Cette “naïveté” ne devrait en soi ne pas être un problème, mais le contexte de concurrence exacerbée du marché ne fixe pas de limite. Le marché de la cuisine constitue, malgré certains à-coups conjoncturels, un marché en développement dans lequel les acteurs se multiplient trop rapidement, ce qui créé une surenchère dans les promesses faites aux consommateurs pour les “forcer” à acheter vite et à ne pas réfléchir.

 

Aux consommateurs inexpérimentés et donc crédules, il est alors facile de faire croire que le prix bas ou la grosse remise est la véritable et seule promesse de satisfaction, parce que le monde de la cuisine et Internet sont saturés par la communication sur le prix bas. Mais un autre phénomène a facilité cette argumentation : l’effacement des marques haut de gamme victimes de choix stratégiques internes, attaquées sur la question du prix par des fabricants “populistes” ne jouant plus leur rôle de créateurs, a contribué à un certain nivellement des produits. Mais une question fondamentale doit être posée ; existe-t-il une autre voie à ce populisme du prix ?

 

En tout état de cause, le prix bas, les remises, constituent pour le peuple des consommateurs un repère simple, immédiat mais très souvent fallacieux. »

 

Marc Edel

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