La formation des vendeurs à l'épreuve du terrain

Actualités - 20 mars 2018

La formation des vendeurs à l’épreuve du terrain

Les forces de vente sont généralement le premier contact en magasin. C’est pourquoi, à une époque où de nombreux cuisinistes déplorent un déficit d’image, s’appuyer sur des vendeurs fiables est primordial. Or, le turnover semble être un problème récurrent chez les cuisinistes que nous interrogeons régulièrement. Ce manque de fidélisation résulte-t-il d’une mauvaise adéquation entre la formation reçue et le terrain ? Comment les cuisinistes indépendants, en particulier, forment-ils leurs effectifs en interne ? Enquête.

 

Les formations spécialisées de concepteur-vendeur ont beau avoir fleuri ces dernières années, pour les cuisinistes interrogés, certaines semblent davantage adaptées aux attentes des grandes enseignes. Xavier Desseaux, dirigeant des Cuisines d’Arno, à Lyon est, pour sa part, revenu des candidats issus de l’Afpia : « Souvent, le niveau de conception, de commerce et d’écoute n’est pas exceptionnel ». Sa consœur lyonnaise Marine Claret-Tournier, qui dirige les Cuisines de Marine, partage cet avis : « Il y a encore 4 ans, on privilégiait les étudiants qui sortaient de l’Afpia parce qu’on se disait qu’ils avaient bénéficié d’une formation ciblée sur le secteur de la cuisine, autant sur l’aspect commercial que technique. » Mais elle a fait depuis le constat que ces étudiants étaient « trop axés sur des techniques de vente qu’il fallait appliquer absolument ... ».

 

Les temps ont changé… 

Si ces formations ne répondent pas aux attentes des indépendants qui évoluent dans des petites et moyennes entreprises, c’est donc peut-être à cause d’un manque d’adéquation entre la théorie et la pratique en magasin, notamment sur les segments haut de gamme, premium et luxe. « Lorsque l’on travaille dans un magasin haut de gamme, il faut se mettre au niveau. Commercialement parlant, je ne suis pas certain que tous les vendeurs issus de ces formations-types soient capables de vendre tous les niveaux de gammes », avance Alain Maillet, dirigeant d’AI Concept à Fontainebleau. Mais il tempère : « Aujourd’hui, les vendeurs de cuisine sont peut-être lassés de devoir faire du chiffre et de la marge. Dans ce métier, on a envie de prendre du temps pour les clients, d’échanger avec eux… C’est aussi comme cela que fonctionnent les affaires ». Ce cuisiniste expérimenté a opté pour un fonctionnement en binôme avec un collaborateur issu d’un BTS d’architecte d’intérieur.  Thierry Soleau, directeur de Tourny Cuisines à Bordeaux, a adopté le même mode de travail. Après avoir fonctionné « à la vieille école » pendant des années en embauchant des profils polyvalents, notamment ceux qu’il aime à appeler des « vendeurs finisseurs », il travaille depuis un an en duo avec sa collaboratrice, issue d’un cabinet d’architecte. Il constate : « C’est la fin du poste de vendeur tel que nous, les anciens, l’avons connu ».

 

Lassé du turnover

Pour le cuisiniste bordelais, l’évolution du métier de vendeur, et du secteur de la cuisine équipée en général, tient plus à des évolutions sociétales qu’à la formation stricto sensu. Thierry Soleau s’est lassé du turnover dans son entreprise, d’autant plus que les concepteurs-vendeurs qu’il formait décidaient d’entreprendre pour devenir… ses concurrents. « C’est ce que j’appelle le syndrome du travailleur indépendant : tout le monde souhaite être son propre chef à notre époque », analyse-t-il.  A Lyon, Marine Claret-Tournier a une deuxième explication : « Après les deux ans de formation en alternance, généralement les jeunes ne restent pas. J’ai l’impression qu’ils sont avant tout à la recherche d’un salaire. A leur âge c’est la chose la plus importante alors qu’il faut d’abord se former et faire ses preuves ». Son confrère Xavier Desseaux conclut : « En 15 ans, je n’ai pas rencontré une personne sortie de l’Afpia qui ait fait de la cuisine son métier durablement. »

 

L’approche client, une valeur empirique

Fidéliser les vendeurs semble donc être une tâche ardue, quand bien même l’accompagnement en interne, que tous estiment primordial, représente un véritable investissement de temps et in fine d’argent. « La cuisine est à la fois un métier très technique et créatif. La partie commerciale en est seulement un des composants, mais contrairement à certaines branches, dans la cuisine on ne peut pas dire qu’on va vite apprendre et s’adapter ; ce n’est pas vrai », soutient Thierry Soleau. De même, transmettre les valeurs de l’entreprise, apprendre à en connaître les processus internes, les produits et la gamme ne s’improvisent pas. « Il n’y a que sur le tas qu’on apprend vraiment ce métier », résume Marine Claret-Tournier. Pour Alain Maillet, la formation en interne reste, de fait, la meilleure réponse à sa question : « Un petit magasin comme le mien qui veut embaucher un vendeur, où va-t-il le trouver ? »

 

Les formations dédiées aux produits auprès des fournisseurs d’électroménager et les rencontres avec leurs représentants lors d’événements professionnels sont certes également importantes « pour rester connecté à ce qui se passe en termes de tendances et d’innovations », dixit Xavier Desseaux, mais l’approche du client demeure, pour ces cuisinistes, le critère indispensable à l’exercice de leur métier. Critère qui ne s’apprend apparemment pas sur les bancs de l’école, quelle qu’elle soit…

 

Vanessa Barbier

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