Les cuisinistes seront-ils confrontés à un Uber ?

Actualités - 01 sept. 2015

Les cuisinistes seront-ils confrontés à un Uber ?

S’appuyant sur le conflit entre taxis et chauffeurs amateurs qui a tourné à la violence, y compris pour les usagers, des médias, économistes et sociologues dénoncent une Uberisation larvée de la société. Votre métier est-il menacé ?

 

Dans un article publié le 23 décembre 2014 sur le site lexpansion.lexpress.fr et titré « L'économie française va-t-elle se faire "uberiser"? », notre confrère Laurent Martinet évoquait une interview accordée au très sérieux Financial Times par Maurice Levy. Le PDG de Publicis exposait sa crainte que, à l’image des taxis, l'économie française ne soit « uberisée. Tout le monde commence à avoir peur de se faire uberiser. De se réveiller un matin pour s'apercevoir que son business traditionnel a disparu ».

 

Pour illustrer ces craintes, notre confrère dressait une liste sombre des professions déjà confrontées à cette évolution perçue comme une menace : « Concurrencés par les VTC, les taxis ont peur de disparaître. Concurrencés par Airbnb, les hôteliers peinent à remplir leurs chambres. Amazon menace les libraires et les éditeurs. Google tient la presse sous assistance publicitaire. Des professions, installées depuis des lustres, découvrent qu'elles sont fragiles ».

 

Le problème n’a fait que se poser avec une acuité plus forte depuis décembre dernier, le conflit entre taxis et chauffeurs amateurs tournant à la violence, y compris pour les usagers, en juin dernier et devenant affaire d’état. Les cuisinistes sont-ils ou seront-ils concernés, qu’ils soient indépendants ou sous enseignes, exclusifs à un fabricant ou multimarques ? Pour cela, il faudrait que se développe un système de vente de cuisines qui échappe aux contraintes des cuisinistes, générant ainsi une concurrence déséquilibrée, voire déloyale. A savoir notamment l’élimination des charges les plus importantes et incontournables pour les magasins que sont le loyer de la surface de vente et les salaires des salariés, mais aussi la gestion du stock, la logistique de livraison et le renouvellement des expositions.  

 

Ce système existe et il est bien plus ancien qu’Uberpop. Cela s’appelle des « vendeurs en chambre » et cela existait déjà dans les années 1970, lorsque la commercialisation était dominée par des magasins de meuble avec corner, la distribution de magasins d’enseignes spécialisées en cuisine étant peu développée (son essor à l’échelle nationale se produisant dans la première moitié des années 1980). Aujourd’hui, la mallette de ces vendeurs à domicile s’est allégée, avec le remplacement des quelques façades et échantillons par des ordinateurs portables et désormais tablettes tactiles permettant de présenter une quasi infinité de solutions. Cette évolution technologique n’a fait que durcir cette concurrence en lui donnant presque les mêmes avantages de présentation qu’en magasin. Presque en effet, parce que les ensembles de cuisine sont les biens d’équipement du foyer qu’il est nécessaire de voir sur pieds ou socle (pour bien apprécier leurs dimensions et couleurs réels) et de manipuler pour juger de la qualité de ses revêtements de surface et plus encore manipuler ses éléments fonctionnels et ergonomiques. Cet impératif demandé par les consommateurs place les cuisinistes à l’abri de la concurrence de vente sur Internet (et explique pourquoi elle ne se développe pas) et des démarcheurs à domicile.        

 

De plus, le danger n’existe pas seulement pour les professionnels, avertit lexpansion.lexpress.fr évoquant des problèmes possibles de compétences et de qualité de services, posés par tout intervenant s’improvisant professionnel. Faut-il préciser à quel point le constat est valable dans le métier de concepteur vendeur de cuisines, qui nécessite une véritable formation initiale puis des réactualisations régulières ?

 

Plus grave encore pour l’image d’une profession : des cuisinistes que nous avons sondés évoquent aussi le risque pour les consommateurs s’adressant à des vendeurs sans magasin de voir « leur acompte disparaître avec un vendeur faisant défection ou carrément margoulin, comme cela a été le cas d’escroqueries défrayant la chronique avec la vente à domicile de vins, aspirateurs, encyclopédies, etc. ». Or, le montant des sommes versées pour une cuisine équipée est autrement plus important. Et nos cuisinistes d’interroger : « vers qui le client floué pourra t-il se retourner ? Le fabricant qui ne serait pas au courant ? ».         

 

Quelles sont les solutions envisageables ? « Il faut modifier certaines règles, qui ne sont plus adaptées, mais la nouvelle économie doit accepter celles de l'ancienne, pour ne pas lui faire de concurrence déloyale, notamment en matière fiscale », soutenait Guillaume Allègre, économiste de l'OFCE, en décembre dernier, avec une pertinence de bon sens qui reste d’actualité pour tous les secteurs de l’économie, cuisine comprise.  

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